4ème dimanche de carême : l’aveugle devenu croyant (Jn 9, 1-41)

(Homélie du 4ème dimanche de carême, 26 mars 2017)

 

Cette semaine le journal La Croix a publié la liste de 501 personnes SDF mortes dans la rue depuis un an. Ce qui est frappant, c’est la moyenne d’âge de ces personnes : 49 ans et demi. Parmi elles, il y a des personnes sans nom, avec la mention : un homme non identifié. Il y a des enfants : 1 an, 18 mois ! Certaines de ces personnes portent des noms bien de chez nous, d’autres ont sans doute des origines étrangères. Certaines sont décédées de maladie, mais d’autres de mort violente (accidents, noyades, agressions, suicides). Nous nous sentons bien démunis. N’étaient-elles pas assises au coin des rues, quémandant une aide, ici à Lille ou ailleurs, quelque part en France ? Il faut saluer les efforts des maraudes, des groupes qui apportent un peu de réconfort quand c’est possible, ceux et celles qui organisent le repas solidaire chez nous, aujourd’hui.

« N’est-ce pas celui qui se tenait là (mot à mot : qui était assis) et qui mendiait ? » : c’est ainsi qu’on décrit l’aveugle guéri par Jésus ? Par certains traits, il ressemble à un SDF. A son sujet les disciples posent une question dérangeante : « Qui a péché pour qu’il soit aveugle ? » Son handicap trahirait quelque chose de grave ! C’est sa faute ! Mais Jésus n’entre pas dans cette spéculation inutile et erronée. Il lui ouvre les yeux pour l’aider à découvrir le monde et à le découvrir, lui.

Tout au long de la semaine, des chrétiens se sont retrouvés autour des frères de Taizé pour prier, réfléchir, accueillir un enseignement. Un thème a servi de fil rouge : disciples missionnaires. Avec des personnes qui ont une longue expérience du cœur à cœur avec Dieu, nous avons regardé à nouveau comment vivre notre baptême. Être disciple de Jésus : c’est précisément le reproche que les pharisiens font à cet aveugle guéri. Comment est-il devenu voyant et disciple ?

Comment ? Il le sait : quelqu’un de bien lui a permis, non seulement de voir, mais aussi de croire : « Je crois, Seigneur ». Le récit se termine sur cette déclaration forte et une nouvelle posture : il n’est plus assis ; il se prosterne. Entre temps, il s’est fait rejeter : les voisins peinent à le reconnaître, les parents ne veulent pas se mouiller, finalement les pharisiens le jettent dehors. Un engrenage infernal qui peut conduire effectivement à l’exclusion, encore aujourd’hui.  Mais il a rencontré Jésus qui a touché son désir le plus profond de voir. Alors il ne cesse de progresser dans la foi : C’est un prophète, c’est un homme de Dieu, il est Seigneur.

Le texte de l’évangile résume toute démarche catéchuménale : avec l’eau qui lave ; avec Jésus, la lumière du monde ; avec la profession de foi au terme d’une lente maturation de la connaissance de Jésus. Qu’est-ce que notre rencontre avec Jésus vient toucher de notre désir profond ? En quoi avons-nous progressé depuis le début de ce carême ? Laissons mûrir notre réponse pour nous préparer à dire avec toute la communauté chrétienne, pendant la Vigile pascale : « Je crois, Seigneur ».

 

Père Christian

 

Fresque de la cathédrale Sant’Angelo in Formis à Capoue (XIème siècle)