Église ouverte et porte étroite

(Homélie du dimanche 25 août 2019, 21ème dimanche de l’année C)

 

Cette histoire de ‘porte étroite’ peut mettre mal à l’aise, parce que, sans doute, elle ne nous ressemble pas vraiment ! Notre expérience récente nous a d’ailleurs mis dans l’inconfort. D’octobre 2017 à septembre 2018 nous avons vécu une année complète avec la grande porte de l’église fermée en raison des travaux. Il fallait passer par les portes étroites sur le côté. Nous étions désolés par la vision étriquée que donnait notre église, au point que certaines personnes m’ont demandé si elle n’était pas fermée !

A contrario, on se réjouit pour quelqu’un qui réussit. Ne dit-on pas : ‘maintenant un boulevard s’ouvre devant toi’, pour signifier le chemin de la réussite.

D’une certaine manière Jésus apparaît comme un rabat-joie (Lc 13, 22-30), alors que la première lecture tirée du livre d’Isaïe (Is 66, 18-21) semble proposer le contraire. Le prophète résume le projet du Seigneur : rassembler toutes les nations de toute langue. On viendra de partout. C’est une opération portes ouvertes. En écho, nos papes successifs nous invitent à ne pas être des douaniers suspicieux. Au contraire il faut ouvrir les portes le plus largement possible et ouvrir nos cœurs qui ont tendance à se fermer. C’est d’ailleurs le souhait de notre évêque que nous puissions garder l’église ouverte tous les jours.

 

En fait Jésus ne se démarque pas de tout cela. On peut même dire qu’il a donné une impulsion nouvelle à son peuple pour le moins sourcilleux quant à l’accueil des autrement croyants. Pour mieux comprendre son souhait, sans doute faut-il prendre le texte de l’évangile par la fin : « On viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. » Aucune ambiguïté dans cette parole. Personne ne peut confiner le royaume de Dieu à un périmètre limité, pour des gens en petit nombre. Le salut ne concerne pas quelques personnes : « n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Telle est la question de départ. Mais le royaume de Dieu fait fi des statistiques. On peut, par exemple, se désoler de la diminution sensible du nombre de baptêmes ou de mariages (c’est vrai aussi pour notre paroisse). Mais cela ne dit pas tout. Ce qui compte, c’est la façon dont les cœurs se laissent toucher par l’annonce du royaume de Dieu.

Et sur ce point nous voilà à nouveau mis à contribution. Le livre d’Isaïe enjoint aux rescapés d’aller au loin, vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines. Il s’agit d’annoncer combien la gloire du Seigneur concerne tout le monde. Non seulement les portes sont suffisamment larges pour accueillir, mais il nous revient de l’annoncer. Le pape François ne cesse de nous envoyer aux périphéries. Le message est tout à fait clair !

 

Après avoir commencé par la fin de l’évangile, il devient possible de comprendre le début. Jésus s’adresse à des personnes qui pensent avoir des prérogatives ou des privilèges : « Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places », donc… Donc rien ! Peut-être nous nous sommes trouvés dans des bouchons pendant les vacances. C’est exactement cela qui se passe. Tout le monde se précipite au même endroit et Jésus annonce : attention, bouchon ! Tout le monde veut entrer dans le royaume de Dieu, mais ça ne se passe pas d’un coup de baguette magique. Cela demande quelque effort, sinon certains ne pourront pas participer à la joie de la rencontre .

Jésus donne d’ailleurs quelques directives, de façon indirecte : « Eloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. » L’injustice ternit la joie et la paix. La deuxième lecture (He 12, 5…13) s’en fait l’écho. Écrivant à des chrétiens qui ont besoin d’être sermonnés, il leur enjoint de produire ‘un fruit de paix et de justice’. Cette démarche désengorgera nos chemins de haine et de peur. Elle ouvrira larges toutes les portes pour nous accueillir dans la joie du partage.

 

Père Christian Berton

 

Le jugement dernier. Giotto. Env. 1310. Chapelle des Scrovegni, Padoue. Photo Bernard Blanc. CC BY-NC-SA 2.0