Surmonter les crises en communauté

La lecture de Ac 6, 1-7 (5ème dimanche de Pâques, année A) nous décrit une communauté en crise, en l’occurrence celle de Jérusalem, victime, en quelque sorte, de son succès. En effet, Luc, auteur des Actes des Apôtres, n’a pas cessé de rapporter la croissance rapide de la communauté. De nouveaux membres y adhèrent, entraînés par l’enthousiasme contagieux des apôtres.

Parmi les piliers sur lesquels se construit la primitive Eglise, on met en honneur la ‘communion fraternelle’. Elle se distingue de l’Eucharistie ou ‘fraction du pain’ (Ac 2, 42). En Ac 6, 1, elle prend le nom de ‘service quotidien’ des plus démunis, mise en œuvre d’une sorte de ‘repas solidaire’ ou de ‘panier du pauvre’ des premiers chrétiens.

Le lecteur identifie facilement le problème qui se pose : il y a de la discrimination au sein de la communauté ! Les Hellénistes, qui, eux aussi, ont accueilli avec joie la Bonne Nouvelle, reprochent aux Hébreux d’oublier les veuves issues de leur groupe. Les mots ont leur histoire : en ‘récriminant’ contre les Hébreux, ils renvoient à l’expérience de l’Exode, lorsque la communauté du désert ‘murmurait’ contre Moïse, Aaron et même contre Dieu (Ex 15, 24 ; 16, 2.7-8 ; 17, 3). Mais ici la raison n’est plus la même. Au fil du temps, la communauté de Jérusalem est devenue plurielle. Va-t-elle se disloquer alors qu’elle n’en est qu’à ses débuts ? Est-elle capable de surmonter cette crise de croissance ?

Il est bon de saluer ici la sagesse des chrétiens concernés. Les apôtres convoquent l’ensemble des disciples en assemblée plénière et lui assignent une double tâche : identifier le problème et suggérer des solutions.

  • Le problème a son origine dans la croissance de la communauté. Les apôtres n’arrivent pas à tout faire. Ils sont chargés de l’enseignement (cf. Ac 2, 42), mais doivent aussi présider à la communion fraternelle. Ils sont tout simplement débordés et négligent une partie des disciples. Le fait qu’il s’agisse des Hellénistes ne fait qu’augmenter le problème. L’unité, fièrement affichée (‘un seul cœur et une seule âme’, Ac 4, 32), est menacée.
  • La solution envisagée envisage une répartition des rôles. Les apôtres gardent le service de la parole et les prières, deux des piliers répertoriés en Ac 2, 42. Sept hommes choisis sur des critères bien précis vont, quant à eux, assurer le service des tables, c’est-à-dire la communion fraternelle (cf. Ac 6, 2.5). Il n’est pas sans intérêt de constater que les noms de ces sept hommes ont une résonnance grecque : ils ont été choisis parmi le groupe helléniste.

La crise, moment délicat, a donc permis à la communauté de grandir grâce à la mise en route d’un nouveau service ou ministère, mot à mot d’une nouvelle diakonia. Pour surmonter la difficulté, un certain nombre d’étapes ont été franchies : identification du vrai problème, assemblée plénière, critères de discernement pour le choix des sept (être rempli de sagesse et d’Esprit), présentation aux apôtres, prière et imposition des mains. Et si nos communautés chrétiennes s’inspiraient de cette pratique ancienne pour grandir dans l’harmonie et le respect des uns et des autres !

Père Christian Berton