Tout est lié : une réflexion autour de l’encyclique ‘Laudato Si’

Cette réflexion  n’est pas un résumé de l’encyclique du Pape François. Elle met l’accent sur l’une des clés de lecture de ce texte important et la met en perspective avec la Bible.

 

« Tout est lié » : c’est l’une des expressions fortes que le lecteur de l’encyclique « Loué sois-tu » du Pape François retrouve à plusieurs reprises (n° 70, 91, 117, 120, 137, 138, 240). Il martèle une conviction qui parcourt toute l’encyclique : si on veut penser à une « écologie intégrale », on ne peut pas séparer « la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure » (n° 10). Le Pape reprend souvent cette idée (cf. n° 6, 42, 92, 56, 86, 111, 140, 151).

Sa pensée se nourrit de deux idées convergentes.

  • D’une part la création est un don (n° 5, 67, 76, 146), et à ce titre toute volonté de domination et de pouvoir pervertit le projet de Dieu.
  • D’autre part l’harmonie qui permet de vivre des relations bonnes entre les personnes et la nature sert la dignité de chaque personne (n° 65-66).

Dans ce contexte, une relecture du livre de la Genèse (Gn 2, 4b-3) peut nous aider à comprendre la justesse de la conviction de François.

Gn 2 donne un tableau idéal où l’être humain (Adam) est en harmonie avec tout son environnement : avec la nature, avec son vis-à-vis (homme et femme) et avec Dieu.

En Gn 3, 1-5 le fait de braver l’interdit (cf. 2, 16) provoque une rupture. Au sein du monde créé l’être humain avait tout pour être heureux, mais il ne pouvait pas faire tout ce qu’il voulait. N’allons pas chosifier le texte. Personne n’a jamais vu de serpent qui parle. Mais des serpents qui font le mal, oui, cela existe. L’auteur a personnifié le serpent pour faire de lui le symbole du mal qui vient inspirer les mauvaises décisions.

Dès lors Gn 3, 6-23 constate les conséquences du choix de l’homme et de la femme. Ils ont brisé l’harmonie première.

  • Ils ont rompu l’harmonie avec Dieu dont ils se cachent (3, 10).
  • L’harmonie du couple est fragilisée. Alors que l’immédiateté permettait à l’homme et la femme de se reconnaître sans heurt dans leur différence (2, 23-24), le désir incontrôlé et la domination instaurent maintenant un rapport ambigu au sein du couple (3, 16b).
  • Et voilà que le rapport entre l’être humain et la nature devient difficile. Tout était donné (2, 9). L’être humain était dans un jardin luxuriant pour le cultiver et le garder. Mais la situation est changée : le sol est maudit et il ne fera germer qu’épine et chardon (3, 18-19).

En mangeant du fruit défendu, l’être humain n’a pas seulement transgressé le commandement de Dieu (2, 17). Il a pris une attitude de propriétaire pour tirer profit, pour lui, de ce qui est l’apanage de Dieu seul.

Les changements n’ont pas tardé à survenir dans la vie de l’homme et de la femme. La pénibilité de leur rôle respectif les atteint dans ce qui fait leur dignité profonde :

  • La femme enfantera dans la douleur : « C’est dans la peine que tu enfanteras des enfants » (Gn 3, 16).
  • Quant à l’homme, « c’est dans la peine que tu te nourriras [du sol] tous les jours de ta vie » (Gn 3, 17).

Ne faisons pas à l’auteur le procès d’avoir une conception figée des rôles des hommes et des femmes. Dans la culture de son temps (il y a au moins 2500 ans), les rôles étaient strictement répartis dans la société. Mais le même mot « peine » caractérise et les uns et les autres, sans distinction.

Avec le Pape il est temps de redécouvrir que « tout l’univers est un langage de l’amour de Dieu… Le sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu » (n° 84). L’être humain est appelé à y vivre heureux, en harmonie profonde avec son environnement naturel et social. Mais la cupidité de l’être humain risque de casser ce projet : « quand on propose une vision de la nature uniquement comme objet de profit et d’intérêt, cela a de sérieuses conséquences sur la société » (n° 82). Le sursaut n’est possible que s’il accepte de ne pas se comporter en propriétaire, mais en en  « administrateur responsable » (n° 116).

 

Père Christian

 

Le jardin d’Eden – Lucas Cranach