3ème dimanche de carême : Jésus en Samarie (Jn 4, 4-42)

Les bibles ont l’habitude de donner comme titre à l’épisode de Jn 4 : L’entretien avec la femme de Samarie. En fait une lecture, même rapide, indique que ce chapitre est bien plus complexe. Il suffit de porter un premier regard sur l’organisation.

  • v. 5-6 : introduction : Jésus, fatigué, s’assoit au bord d’un puits
  • v. 7-26 : entretien avec la femme de Samarie
  • v. 27-38 : entretien avec les disciples
  • v 39-42 : réaction des gens de la ville

 

Souvent on fait l’impasse sur le dialogue que Jésus a avec les disciples. Il est vrai que le thème principal de l’eau semble disparaître au profit du thème de la moisson. Pour s’y reconnaître, il convient de faire quelques remarques.

Le dialogue entre Jésus et la femme commence avec la quête de l’eau (v. 7-15). Jésus a soif et donc adresse sa demande : « donne-moi à boire ». Au v. 15, les rôles sont inversés : c’est la femme qui demande : « Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir ». L’évangéliste joue sur les situations et sur les mots pour entraîner le lecteur à une compréhension plus profonde. Le puits de la rencontre est le puits de Jacob. Mais Jésus, par fines touches, se substitue à Jacob. Il est désormais celui qui va dispenser l’eau, source de vie et signe du don de l’Esprit.

Ce dialogue prend une nouvelle tournure lorsque Jésus évoque la situation maritale de la femme. Elle a eu cinq maris ! situation embarrassante mais peut-être plus symbolique qu’il n’y paraît. La femme de Samarie pourrait représenter les cinq dieux révérés par les peuples et les samaritains (II R 7, 17, 29-41). L’hypothèse est plausible, dans la mesure où le mot mari est la traduction de baal : le mot désigne aussi les dieux de l’orage qu’ont combattu les prophètes. Ainsi Jésus élargit le débat : le Dieu dont il parle ne se trouve pas dans les hauts lieux, ni à Samarie, ni à Jérusalem. On ne peut l’adorer qu’en esprit et vérité. Il souligne d’abord la vérité de la démarche croyante.

Les versets 27-38 tournent le texte dans une autre direction. Il s’agit, non plus de boisson mais de nourriture (v. 32-34), non plus de puits mais de moisson (v. 35-38). En fait Jésus ne cherche pas à égarer les disciples qui le questionnent. Mais il leur indique la profondeur de ce qui s’est engagé dans le dialogue avec la femme. Son ministère à lui prépare la moisson. Et cette moisson ne concerne pas seulement les seuls habitants de la Judée. Il n’y a pas lieu d’en écarter les habitants de Samarie.

Les v. 39-42 corroborent cette visée. Les Samaritains de la ville viennent près de Jésus et l’écoutent. Ces versets, dans leur brièveté, insistent sur leur foi (le verbe ‘croire’ est mentionné trois fois dans ce petit passage).

Ainsi tout ce long récit, malgré la diversité des situations, se tient. Il convient d’en repérer le fil rouge. Nous le trouvons à travers les titres donnés à Jésus.

  • Au verset 9 la femme appelle Jésus selon son appartenance ethnique : « Toi, un Juif ». Non seulement Jésus n’aurait pas dû s’adresser à elle, mais en plus il est Juif !
  • Au verset 19 la femme fait une remarque pertinente : « je vois que tu es un prophète ». En effet il a discerné la fragilité de cette femme si sûre d’elle-même et de sa fierté nationale.
  • Aux versets 25-26, la femme soupçonne davantage et Jésus rétorque : « Je le suis ». L’expression renvoie, sans le dire, à ce que Dieu avait révélé à Moïse lorsque ce dernier lui avait demandé son nom (Ex 3, 14-15). Il avait répondu : « Je suis ». Il est peu sûr que la femme ait compris la portée de la réponse, mais il convient au lecteur de décrypter le langage.
  • Au verset 29, la femme s’adresse à ses compatriotes avec une question : « Ne serait-il pas le Christ ? » Ce sont ses derniers mots dans le récit : la question reste ouverte et attend la réponse, non seulement des gens de la ville, mais aussi du lecteur.
  • Au verset 31, les disciples donnent à Jésus le titre de Rabbi. Il est leur maître. Ils n’ont pas encore compris que son ministère débordait largement leur groupe et les frontières étroites de la Judée.
  • Au verset 42, tout le récit se conclut par l’affirmation des gens de la ville : « Nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. » Il s’agit d’une affirmation de foi mentionnée dans les versets précédents. Elle a une portée universelle. Ainsi ce qui n’était qu’une simple rencontre au bord d’un puits se termine sur une note bien plus large.

 

Au terme du parcours depuis le verset 5 est mentionnée la foi. Est-ce que le lecteur aura la patience de peser les différentes étapes qui permettent de dire cette foi, non pas sur les dires des autres, mais sur sa propre expérience du Christ et de sa parole toujours offerte ?

Père Christian

Jésus et la femme samaritaine (Catacombes, Rome)