Aimer comme Jésus

En 1979, dans son discours de réception du prix Nobel, Mère Teresa de Calcutta a cité la phrase tirée de l’évangile de Saint Jean : « Aimez-vous comme je vous ai aimés. » Et de surenchérir : « Saint Jean dit que nous sommes des menteurs si nous disons que nous aimons Dieu sans aimer notre voisin. Comment pouvons-nous aimer Dieu, que nous ne voyons pas, si nous n’aimons pas notre voisin, celui que nous voyons, celui que nous touchons, avec qui nous vivons ? Il est essentiel que nous comprenions que cet amour, pour être vrai, doit nous faire mal. » Et un peu plus loin : « La pauvreté peut être dans votre foyer si l’amour est méprisé. » Traduisons : peut-être êtes-vous riches, mais vous êtes pauvres parce que vous n’aimez pas comme Jésus a aimé. Il fallait oser à une assemblée composée de gens plutôt aisés.

Nous n’aurons jamais terminé d’approfondir ce verbe ‘aimer’. Je lui associe volontiers les mots de respect, tendresse, solidarité, service, fraternité. Chacun ici pourrait proposer d’autres mots. Mère Teresa, quant à elle, aurait ajouté ‘oubli de soi’, comme une condition d’un amour vrai, et c’est bien là que ça fait mal !

Les lectures que nous avons entendues ce matin nous invitent à réfléchir sur l’amour. Impossible d’y échapper ! Le verbe aimer ou le mot amour vient 9 fois dans la deuxième lecture et 10 fois dans l’évangile, sans compter 2 fois amis. L’évangéliste Jean a été sensible à cet aspect de l’enseignement de Jésus. Il faut croire que les premières communautés chrétiennes ont eu du mal à vivre cet amour désintéressé.  Pour nous aujourd’hui, je voudrais retenir trois mots ou expressions.

 

  • Tout d’abord « Dieu est amour » : telle est la définition que nous livre la deuxième lecture. Pour approfondir le sens de cette expression, relisons la première lecture : « Dieu est impartial », c’est-à-dire, Dieu ne fait pas de favoritisme, comme le faisaient les grands du monde. Voilà une attitude trop ancrée dans nos habitudes humaines. Elle s’approche de la corruption qui mine le monde. Dieu est impartial parce qu’il ne fait pas de différence entre les hommes. Voilà la nouveauté du christianisme naissant. Le lien avec Dieu ne se définit pas par l’appartenance à une race ou à un peuple. Il suffit de reconnaître son amour et de s’engager dans des œuvres justes.

 

  • Deuxième expression : « comme je vous ai aimés ». C’est ce petit comme qui mérite l’attention. Jésus nous oblige à vivre notre relation aux autres comme lui. L’amour de Jésus a consisté à donner sa vie. Il s’agit d’un amour crucifié. L’axe vertical de la croix dit l’amour de Jésus à l’égard de son père. Tous les actes de son ministère étaient nourris de la prière où il puisait sa force comme l’arbre tire la sève de la terre. L’axe horizontal de la croix rappelle qu’il attire l’humanité vers lui comme vers un signe de salut. Nous devons compléter le petit mot comme par un autre tout aussi court : pour. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Jésus parlait du don de lui-même. Mais il s’agit bien pour nous de donner quelque chose de nous-mêmes pour ceux qu’on aime. C’est vrai dans un couple. Il n’y a pas de couple heureux si chacun ne cherche pas d’abord le bonheur de l’autre. C’est vrai dans une famille où il convient de faciliter l’épanouissement des autres membres. C’est vrai pour toute société où le bonheur des uns ne peut pas aller sans le bonheur des autres.

 

  • Enfin « c’est moi qui vous ai choisis et institués afin que vous alliez ». Celui qui est proche du Seigneur, qui devient son intime en quelque sorte, reçoit immédiatement une mission. Cela fait partie du ‘package’. Chacun peut se demander : quelle mission je peux remplir aujourd’hui pour manifester cet amour désintéressé ? Jésus et, à sa suite, Mère Teresa et bien d’autres nous ont montré un chemin. Sachons leur emboîter le pas.

 

Père Christian Berton

 

Mère Teresa (Photo by Tim Graham/Getty Images)