Christ, notre Pâque, a été immolé
En I Co 5, 1-13, Saint Paul traite d’un cas que ses correspondants lui ont soumis. Il s’agit d’un cas de débauche qui empoisonne la vie de la communauté de Corinthe. L’apôtre, qui écrit probablement depuis Ephèse, tranche : le débauché doit être écarté de la communauté (v. 13). A cette occasion Paul livre les raisons profondes qui devraient rendre possible le discernement des responsables : « Christ, notre Pâque, a été immolé » (v. 13). Cette affirmation vient au centre d’une argumentation bien charpentée. D’un côté il faut se purifier du vieux levain pour être une pâte nouvelle puisque « vous êtes sans levain » (v. 7). De l’autre il sera alors possible de célébrer la fête non pas avec du levain ancien, mais avec « des pains sans levain de sincérité et de vérité » (v. 8).
A l’horizon de la pensée paulinienne on trouve une pratique ancienne mentionnée en Ex 23, 15. Chaque année, au printemps, on faisait disparaître de la maison (ou de la tente) toute trace de levain et, pendant sept jours, on ne mangeait que des pains sans levain (mot à mot des azymes). Il s’agissait sans doute d’un rite de renouvellement au moment où la végétation repart après l’hiver. Ultérieurement la célébration des azymes a été liée au rite de la pâque où on avait coutume de sacrifier un agneau pour le consommer en famille. Manger la pâque signifiait manger l’agneau immolé selon un rituel bien établi. Finalement les deux célébrations des azymes et de l’agneau immolé ont été rattachées aux traditions de la sortie d’Egypte (Ex 12, 12.13.17).
Paul se sert de cette vieille tradition pour lui donner un sens nouveau. Désormais Jésus remplace l’agneau pascal. Très tôt, sa mise à mort odieuse a été considérée comme un sacrifice rituel. En effet, en disant que « Jésus, notre Pâque, a été immolé », Paul reprend le même verbe utilisé en Ex 12, 21.
Paul n’est pas le seul à voir en Jésus l’agneau pascal. N’est-il pas appelé « agneau de Dieu » par Jean-Baptiste (Jn 1, 29) ? Il faut attendre Jn 19, 31.36 pour en comprendre toute la portée. L’évangéliste semble avoir écrit le récit de la passion de Jésus en voulant le décrire comme l’agneau pascal, dont aucun des os n’est brisé (Jn 19, 36, cf. Ex 12, 46).
Peu à peu se dessinent les contours de l’argumentation. Si Jésus est l’agneau pascal, il est nécessaire d’en tirer les conséquences. L’urgence consiste à se débarrasser de l’ancien levain, symbole ici de méchanceté et de perversité (v. 8), pour être une pâte nouvelle, c’est-à-dire pour faire partie de la communauté née de la résurrection. La vie en Christ ne s’accommode pas des comportements de débauche car rien n’est plus comme avant. Chacun doit donc examiner sa conduite. La réflexion et la méditation sur le Christ fondent l’éthique de la communauté chrétienne.
Père Christian