Cinquante jours en un seul !

La Pentecôte, Giotto di Bondone, vers 1300

Ils sont nombreux ceux qui dénoncent les contradictions de la Bible. La fête de la Pentecôte n’échappe pas à l’impression générale. Les textes que la liturgie propose pour le dimanche de Pentecôte en sont une illustration parfaite !

D’un côté, les Actes des Apôtres rapportent l’événement de Pentecôte cinquante jours après Pâques, comme son étymologie l’indique d’ailleurs (Ac, 2, 1-11). Mais voilà que, pour l’évangéliste Jean, Jésus donne l’Esprit-Saint le soir même de Pâques, sans attendre (Jn 20, 22). Bien plus, Luc – auteur de l’évangile qui porte son nom et des Actes – écrit d’une part, que l’Ascension a eu lieu le soir même de Pâques (Lc 24, 50-53), mais au début du deuxième volume de son œuvre, qu’elle aurait eu lieu quarante jours après Pâques (Ac 1, 3). Comment un auteur, qui dit avoir l’intention « d’écrire un récit ordonné » (Lc 1, 3), peut-il se contredire de façon si manifeste ?

Assurément les auteurs bibliques n’ont pas la même logique que nous. Ils veulent à la fois dire la richesse du message chrétien et user de pédagogie à l’écart des lecteurs.

La richesse du message tient dans la nouveauté issue de la Résurrection de Jésus. Si Jésus est passé de la mort à la vie, il a maintenant rejoint son Père, ce que les auteurs – reprenant le psaume 110 – vont traduire par : « il est assis à la droite du Père » (Ac 2, 35). De la même manière, dès la Résurrection, Jésus donne son Esprit. Il est hors  de question de vouloir séparer Pâques, Ascension et Pentecôte : ces trois fêtes, bien que différentes, sont complémentaires.

Pédagogiquement pourtant, Luc a choisi d’étaler l’événement dans le temps. Quarante jours, c’est le nombre symbolique de l’initiation des disciples à un nouveau mode de présence du Ressuscité. La Pentecôte, quant à elle, s’enracine dans l’histoire du peuple juif. Fête de la moisson  au début (Ex 23, 16), elle était devenue la fête de l’Alliance entre Dieu et le peuple. Luc, dans son projet de fortifier la foi de Théophile (Lc 1, 3-4 ; Ac  1, 1), indique la continuité et la ruptureavec la foi juive.

Continuité car la Pentecôte se célèbre bien cinquante jours après Pâques. Pour les juifs elle est la « clôture » de la Pâque. Pour les chrétiens elle marque effectivement la fin de la période pascale.

Rupture, car la Pentecôte chrétienne, au lieu de célébrer la fête de l’Alliance scellée par le don de la Loi, se concentre désormais sur le don de l’Esprit-Saint, signe de la nouvelle Alliance. Désormais l’Esprit du Ressuscité anime les communautés, quand elles se rassemblent au nom de Jésus, et donne aux chrétiens la force du témoignage.

 

Père Christian Berton