Comme il nous a aimés (Homélie du 9 mai 2021)

Le mot ‘amour’ et le verbe ‘aimer’ sont les maîtres-mot de la 2ème lecture et de l’évangile : 9 fois dans la 1ère lecture et 9 fois dans l’évangile. Si l’auteur de la lettre insiste tant en reprenant le message de Jésus, c’est que les communautés chrétiennes ont traversé beaucoup d’épreuves et ont dû faire face à beaucoup de difficultés. S’aimer les uns les autres, oui, du bout des lèvres, mais cela ne se traduisait pas en fruit qui demeure. Cette semaine, le Père Michel Briand et la Sœur Agnès Bordeau, qui avaient été kidnappés à Haïti, ont donné leur témoignage après leur libération.

 

Père Michel Briand :

Pendant notre captivité nous restions unis dans la paix. Une force que nous puisions dans la prière. La présence du Christ qui nous habite nous apportait cette paix…

Je peux dire que j’ai vécu cette détention comme un temps de retraite : un temps spirituel pour mieux découvrir Dieu…

Je me suis rapproché de la Société des prêtres de Saint Jacques pour donner ma vie à l’Eglise de Haïti. Je n’ai jamais regretté ce choix. J’ai envie de me donner davantage à ce peuple… En toute humilité, j’essaie de donner ce que je reçois du Christ. Ma mission c’est de travailler auprès des petits.

Il fait allusion à sa vocation. Il ne s’imagine pas répondre à l’appel du Seigneur sans la proximité avec le peuple haïtien pour lequel, dit-il, il donné sa vie. Il fait écho à la parole de Jésus : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

 

Sœur Agnès Bordeau :

Je n’ai pas de haine dans mon cœur pour eux. Je prie pour que le Seigneur ouvre leur cœur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font…

Au début, je demandais au Seigneur : pourquoi ? Mais j’ai pris conscience que j’avais le choix de vivre de manière consciente ce moment douloureux avec le Seigneur… ou de le refuser. Je n’avais aucune liberté extérieure, mais j’avais la liberté d’aimer, de vivre ça en communion avec le Christ, avec celles et ceux qui sont en captivité dans le monde entier. J’ai choisi de vivre le moment présent et de l’offrir dans la prière pour que ce pays puisse retrouver une vie digne, et pour la libération des otages du monde entier. Nous avons senti une force intérieure qui ne pouvait pas venir de nous.

La force de son témoignage vient de ce qu’elle refuse la haine. Elle se montre proche des paroles du Christ : « que le Seigneur ouvre leur cœur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font », dit-elle. Elle n’en reste pas là. Elle était dans une situation difficile de privation de liberté, mais elle se sentait libre : « Je n’avais aucune liberté extérieure, mais j’avais la liberté d’aimer, de vivre ça en communion avec le Christ. »

 

Garder en nous la liberté d’aimer, choisir d’aimer : nous sommes poussés dans nos retranchements. Jésus nous donne un commandement : nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Ce ‘comme’ donne la méthode. Il s’agit d’aimer en donnant quelque chose de notre vie, quelque chose dont nous allons mettre de côté. A partir de là, et de là seulement, nous pourrons porter du fruit.

Deux forces contraires traversent le monde : la spirale de la haine et la spirale de l’amour.

La spirale de la haine, malheureusement, elle se manifeste presque tous les jours : cette semaine, une jeune femme est décédée dans les conditions atroces, brûlée vive, et un policier a été tué lors d’un contrôle. La haine est là avec son cortège de violence.

La spirale de l’amour : souvent elle fait moins de bruit, mais elle progresse au fil du temps et des initiatives pour aider les personnes à sortir de leur isolement et à se libérer de toute peur.

La lettre du Pape ‘Tous frères’ se nourrit d’une conviction qui devrait être dans le cœur de tous les chrétiens : l’amour désintéressé ouvre un espace de paix et d’accueil où il est possible de se reconnaître tous frères et sœurs. « Un être humain est fait de telle façon qu’il ne se réalise, ne se développe ni ne peut atteindre sa plénitude que ‘par le don désintéressé de lui-même’ », écrit François. Il nous invite ainsi à sortir de nous-mêmes pour rechercher le bien de l’autre, gratuitement. C’est ce que Jésus a vécu : apprenons à aimer comme il nous a aimés.

Christian Berton

 

 

Textes du dimanche 9 mai 2021 (AELF)