Dimanche des Rameaux : « Mes brebis ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main » Jn. 10,28

(Homélie du dimanche des Rameaux, 9 avril 2017)

Après avoir écouté le récit de la souffrance de Jésus, on ne peut s’empêcher de se poser la question du pourquoi ? Pourquoi tant de méchanceté ? qu’a-t-il fait pour mériter tant de haine ? Comment est-on passé la joyeuse acclamation : « béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Mt 21, 9) au cri hystérique : « à mort, à mort, crucifie-le » ?  Le pourquoi est d’autant plus poignant quand on sait que partout où il allait, il ne faisait que le bien. (Ac. 10,38). Il a apaisé la veuve complètement dévastée par le décès de son unique fils en lui redonnant la vie. Emu devant les larmes de Marthe et de Marie, il fond en sanglots et réveille de la mort leur frère Lazare. Alors, pourquoi cette trahison, ces gifles, ces crachats, cette couronne d’épine, expression de la féconde imagination de l’homme à inventer toute forme de torture et armes à destruction massive tel que le gaz chimique récemment utilisé en Syrie, après que la deuxième guerre mondiale ait connu son lot d’horreur. Reconnaissant son innocence, Pilate le livre tout de même à ses bourreaux alors qu’il avait le pouvoir de le protéger, son épouse lui ayant révélé quel homme juste et innocent était-il. Il préfère plutôt clamer sa propre innocence en se lavant les mains, mais octroie la licence qui l’expédie à l’abattoir, à savoir la flagellation. D’aucuns prennent plaisir à approuver la souffrance qui accable la personne de Jésus :

  • Les passants l’insultent en hochant la tête : «Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix !»
  • Les grands prêtres, les scribes et les anciens le mettent au défi : « Il a sauvé d’autres hommes et il ne peut pas se sauver lui-même ! ….Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant. »
  • Les bandits crucifiés avec lui en font autant.

 

Au-delà de ces interrogations, c’est notre monde qui s’interroge également sur l’escalade de la violence caractérisée ces jours par la montée du terrorisme international, lequel ne cesse de faire de victimes innocentes : Bataclan, Nice, Bruxelles, et récemment Londres et Stockholm en ont fait les frais. Les guerres et foyers de tension poussent de nombreuses populations vers un exode ; un bon nombre termine leur voyage au fond de la Méditerranée. Comme les contemporains de Jésus, notre indifférence face au pauvre qui croupit dans la misère, la violence ou l’injustice subie par tout homme dans le monde,   réactualise la passion de Jésus.

Force est pourtant de constater que l’attitude de Jésus face à sa propre souffrance, est suffisamment édifiante pour chacun de nous et pour le monde dans son ensemble. Pierre, tout fougueux, défend son maître. Il tire son épée et frappe le serviteur du grand prêtre en lui tranchant l’oreille. Jésus lui intime l’ordre de la ranger  car « tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. » Ensuite, il prend soin de guérir ce serviteur violenté. En clair, il refuse d’opposer la violence à la violence, laquelle à son tour n’enfanterait que de la violence, et développerait le cercle infernal de la haine et de la méchanceté. Nous savons aussi qu’il ne tiendra pas rigueur à ses apôtres qui aggraveront sa solitude en l’abandonnant à son triste sort. Au pied de sa croix il n’y eut que les femmes et un étranger (un païen) – le centurion – pour reconnaître sa divinité. Il aurait pu demander une armée des anges à son Père pour le défendre mais il ne le fit pas. Bien au contraire Il semble même abandonné par son Père. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ». C’est un message fort à notre monde qui s’arme de plus en plus comme s’il préparait une troisième guerre mondiale.

La mort du Christ, qui de toute évidence est le sommet de sa souffrance, annonce aussi la défaite de la mort. Quand il meurt, au même instant le centurion s’exclame : “vraiment cet homme est le Fils de Dieu”. Le rideau du Sanctuaire se déchire en deux, l’accès au Saint des Saints, résidence de Dieu, s’ouvre à toutes les nations, l’humanité entre dans la maison de Dieu. La terre trembla, les rochers se fendirent, les corps de nombreux saints ressuscitèrent après la résurrection de Jésus, signe que la mort n’eut pas le dernier mot. La main de Dieu, à travers celle du Christ, continue de rompre le pain, de relever les malades, de garder ceux qui en elle, se réfugient. « Mes brebis ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main. » (Jn. 10,28) En réalité la passion du Christ marque la fin d’une ère et le début d’une nouvelle : celle du triomphe de l’amour de Dieu qui aime, pardonne et protège. Osons nous réfugier entre ses mains afin qu’il nous transfigure, et nous donne de toucher de nos doigts parfois incrédules, la pâte humaine marquée par les stigmates de sa passion.

Père Paul Nanfack (CSSp)

Jésus entrant à Jérusalem (Vitrail, église de Taizé)