Ecouter et servir (Lc 10, 38-42)

Il est bien tentant d’opposer Marthe et Marie et d’accuser Marthe de manque de respect parce qu’elle n’écoute pas le Seigneur. Ce serait trop facile. Mais interrogeons-nous ? Que faisons-nous lorsque nous recevons quelqu’un ? Ne sommes-nous pas au four et au moulin, attentifs à entretenir le dialogue avec cette personne, tout en s’assurant que le repas sera bien prêt ou l’apéritif bien servi ? Et que fait Abraham, lorsque les trois voyageurs s’arrêtent chez lui ? Il s’agite ! Il se hâte de trouver Sara et lui dit : « vite, prépare des galettes ». Il court au troupeau pour prendre un veau. Le serviteur se hâte de le préparer. Il y a urgence donc et il ne s’agit pas de rester les bras croisés. Viendra ensuite le moment de la convivialité : il se tenait debout devant eux pendant qu’ils mangeaient. Cette scène du repas a préparé l’icône de la Trinité où trois hommes, le bâton à la main, partagent un repas.

 

La Saine Trinité. Andrej Rublev. Tretyakov Gallery, Moscow. Env. 1425.

 

Les lois de l’hospitalité étaient sacrées. Elles s’imposaient d’elles-mêmes pour accueillir sans poser de question. Le Christianisme naissant n’a donc pas inventé la tradition de l’accueil des missionnaires qui passaient. Jésus lui-même a inauguré ce ministère itinérant. Il allait de soi qu’il fallait tout mettre en œuvre pour accueillir ceux qui, comme lui, venaient annoncer la Bonne Nouvelle. En cela Marthe a bien raison. D’ailleurs c’est bien elle qui reçoit Jésus.

 

L’évangéliste Luc a l’art de raconter les choses : il insiste sur la multiplicité du travail de Marthe. Le service a plusieurs facettes : préparer un repas sans doute, mais il y a bien d’autres manières de servir. De l’autre côté, pour Marie, il n’y a qu’une chose en jeu : l’écoute. On peut aussi regarder les attitudes. Marthe se donne du souci et s’agite. Marie reste assise aux pieds du Seigneur. Voilà peut-être le secret que Luc veut nous faire comprendre. Pour l’heure l’urgence est d’écouter et, pour cela, de prendre une attitude de disciple. Car telle était la coutume : un disciple apprenait en s’asseyant aux pieds du maître. On est loin des tables sur lesquelles les élèves écrivent aujourd’hui.

 

Alors qu’en est-il pour nous aujourd’hui ? Les lois de l’hospitalité ont sans doute bien changé, bien qu’elles paraissent parfois en souffrance quand il s’agit des migrants. Mais je pense que Saint Luc invitait les lecteurs de l’évangile à mettre les choses en bon ordre.

  • Tant que Jésus était là, il convenait d’abord de l’écouter. La priorité était là. En cela Marie avait bien compris l’essentiel.
  • Jésus n’est plus là physiquement aujourd’hui (de même qu’il n’était plus là au moment où Luc écrivait l’évangile). Pour autant il n’y a pas de vrai service en Eglise s’il n’y a pas d’abord un temps d’écoute de la parole que le Seigneur a à nous dire. L’écoute attentive précède le service, sinon nous risquons de tomber dans l’activisme. L’Eglise risquerait de ressembler à une ONG débordant d’initiatives sans doute, mais qui a totalement perdu le sens de son engagement.
  • Accepter de devenir disciple suppose qu’on prenne le temps de connaître la parole de Dieu. Cela peut être particulièrement le temps de la catéchèse ou du catéchuménat. Les parents qui prennent le temps de lire des histoires de la Bible à leurs enfants font exactement cette tache essentielle de l’Eglise : transmettre la parole. Viendra le temps où eux-mêmes prendront leur part de service.
  • Un groupe est en train de naître dans notre paroisse. Des paroissiens se retrouvent pour lire et comprendre la parole de Dieu, puis pour voir comment la traduire dans la vie de tous les jours. Il suffit de chercher sur internet : Envie de parole et nous trouverons des indications pour avancer. Il y a là une méthode qui peut nous inspirer et nous aider à avancer dans notre vie de baptisés. L’écoute de la parole débouchera sur l’envie de servir !

 

Jean Vermeer. Le Christ dans la maison de Marthe et Marie. Env. 1656. Scottish National Gallery.