Être à l’heure (Jn 12, 23.27)

L’évangile du 5ème dimanche de carême (Année B) insiste sur une heure bien particulière à laquelle Jésus demande de prêter attention :

« Elle est venue l’heure où le Fils de l’Homme doit être glorifié » (Jn 12, 23).

« Père, sauve-moi de cette heure, mais non, c’est pour cela que je suis parvenu à cette heure ! Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12, 27)

Saint Jean place le lecteur devant une préoccupation qui traverse tout le 4ème évangile.  Quelqu’un qui le lirait pour la première fois ou qui ne connaîtrait rien à l’histoire de Jésus se trouverait dans un récit à suspens. Dès le début, en effet, Jésus parle de son heure. Il ne la définit pas mais mentionne seulement qu’elle n’est pas encore venue (Jn 2, 4). Il est alors à Cana et, sur la prière de sa mère, il va procurer le vin manquant à la noce.

A plusieurs reprises, cette mention revient : ce n’est pas encore l’heure (Jn 4, 21.23 ; 5, 25.28.35 ; 7, 30 ; 8, 20). Ces indications rythment toute la première partie de l’évangile, appelée livre des signes, précisément en raison des signes que Jésus accomplit. Lui-même reste mystérieux sur ce moment à venir. Seule assurance : ce sera un moment déterminant pour lui et pour toute l’humanité.

Les trois mentions de Jn 12, 23.27 qui concluent la première partie de l’évangile et celle de 13, 1 qui ouvre la deuxième partie, appelée le livre de la gloire, disent un peu plus qu’auparavant. Aux mentions de l’heure, l’évangéliste ajoute celle de la gloire. Le lecteur apprend que l’heure dont il est question depuis le début est celle de la glorification de Jésus par le Père : « L’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié » (Jn 12, 23). La même association entre heure et gloire se trouve en 12, 27 ; 13, 1 ; 16, 2 ; 17, 1.

Mais Saint Jean conduit son lecteur patiemment, car, en fait de gloire, le lecteur est amené à la contempler paradoxalement lors du procès et de la crucifixion. En effet, pendant le procès, l’heure devient celle de la condamnation. Quand Pilate proclame que Jésus est votre roi, l’évangéliste ajoute : « c’était le jour de la préparation de la Pâque, vers la sixième heure » (Jn 19, 14). Les versets qui suivent indiquent que cette heure deviendra aussi l’heure du refus par les dirigeants juifs. Symboliquement, Saint Jean fait comprendre que Jésus crucifié est le nouvel Agneau pascal. Il se substitue de façon définitive aux rites anciens de la Pâque.

Au bout de l’itinéraire le lecteur doit donc se tourner vers la croix.

  • C’est là, pour l’évangéliste, que Jésus est glorifié. Depuis le début il a orienté le lecteur vers ce moment unique. En mentionnant que Jésus avait commencé à manifester sa gloire à Cana (2, 11), il indiquait que, dans la foi, il faudrait accueillir, le moment venu, un autre signe, celui de l’Agneau dont « aucun os ne sera brisé » (Jn 19, 36).
  • Pour le croyant, c’est l’heure d’une nouvelle existence : « À partir de cette heure, le disciple la prit chez lui » (Jn 19, 27). Avec sa mère et le disciple qu’il aimait, Jésus fonde, à cette heure-là, la communauté messianique née au pied de la croix. Les croyants sont appelés à se mettre ainsi à l’heure de la croix pour se tourner vers le transpercé. L’eau et le sang qui jaillissent deviennent pour eux une source de vie (Jn 19, 34-37).

 

Père Christian

 

Les noces de Cana. Fresque. Géorgie. XIVème siècle.