Faire comme si !

Faire comme si ! Le programme énoncé par l’apôtre Paul, dans la lettre aux Corinthiens, est pour le moins surprenant. Il faut faire comme si… Mais ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de faire semblant ou de prendre les réalités de notre quotidien à la légère. Bien au contraire, il s’agit de prendre la mesure de ce qui se passe : l’urgence, car urgence il y a, est de se préparer à rencontrer le Seigneur. Pour Paul, la résurrection de Jésus ouvrait les derniers temps. Il l’écrit à sa façon : le temps est limité, ou plutôt le temps est raccourci. Je pense que nous en avons l’expérience : lorsque nous courons après le temps, on s’arrange pour garantir le plus urgent. Curieusement, chacune des deux autres lectures de ce dimanche vont dans le même sens.

La première nous raconte la belle histoire de Jonas. Il a tergiversé et désobéi à l’ordre de Dieu et s’en est allé dans une direction opposée. Il est allé vers le sud au lieu d’aller vers le nord. Nous connaissons la suite de ce conte biblique : la séquence du poisson qui engloutit l’envoyé de Dieu et son rejet sur une plage. Jonas part enfin à Ninive pour demander aux habitants de se convertir. Et voilà que son message est pris au sérieux. Alors qu’il avait laissé le temps couler, voilà que, séance tenante, les Ninivites se tournent vers Dieu et croient, après avoir commencé un jeûne général. C’était pour eux la chose la plus urgente à faire, sans attendre le délai du 40ème jour donné par Dieu.

L’Évangile raconte les débuts du ministère de Jésus en Galilée. Il proclame l’Évangile de Dieu. Lui aussi insiste sur le temps : il est accompli, c’est-à-dire : « il est arrivé à son achèvement. » Lui aussi invite à se convertir et à croire. Là aussi il y a urgence.

Ces événements bien différents indiquent qu’une parole forte peut conduire à un changement, un retournement que les textes appellent une conversion. Alors que pourrions-nous faire pour y répondre à notre tour ?

Le récit qui suit la proclamation de Jésus dans l’Évangile donne une indication. Saint Marc nous présente l’appel des disciples, Simon et André, puis Jacques et Jean, fils de Zébédée. Je voudrais en tirer quelques enseignements pour nous.

  • Tout d’abord la soudaineté de l’appel ou de la réponse. Aussitôt Simon et André suivent Jésus. Dès qu’il voit Jacques et Jean, « aussitôt Jésus les appela » Le mot « aussitôt » est l’un des mots favoris du deuxième Évangile. Il y a des choses qui ne peuvent pas attendre, dès lors qu’elles concernent le règne de Dieu et sa proclamation. Cela pose une question. Sommes-nous aussi réactifs pour prendre à notre compte, aujourd’hui, la proclamation de la bonne nouvelle ? Concrètement, que faisons-nous ? Et que ne faisons-nous pas ? Pourquoi ?
  • Arrêtons-nous sur le comportement des disciples. Eux aussi font comme si : comme s’ils n’avaient plus de métier de pêcheur. Ils laissent leurs filets… Comme s’il n’y avait pas une petite entreprise familiale, avec le père comme patron et des ouvriers. Ils laissent dans la barque leur père avec ses ouvriers… Et pourtant ils resteront attachés à leur travail. La suite de l’Évangile le montre. Mais tout cela est ordonné à l’autre urgence qui nous concerne : celle d’être disciple de Jésus pour comprendre à ses côtés la beauté du message de l’Évangile.

 

Pour revenir à la lettre de Paul aux Corinthiens, mettons les choses à leur juste place. Bien sûr, ceux et celles qui sont en couple doivent tout faire pour que le couple grandisse. Bien sûr, si on est dans la peine ou dans le deuil, on ne va pas s’empêcher de pleurer, bien sûr si on est dans la joie, il convient de la manifester. Bien sûr, nous devons faire des achats nécessaires pour vivre. Bien sûr il nous revient d’utiliser les biens de ce monde. Mais les moyens ne doivent pas occulter l’objectif. Comme disciples depuis notre baptême, il nous revient de prendre à bras le corps le règne de Dieu, pour en annoncer l’irruption aujourd’hui dans notre monde. Notre vie, dans toutes ses composantes, peut en témoigner.

Père Christian

 

N.B. Le tableau qui suit montre le parallèle entre la 1ère lecture (Jonas 3, 1-5.10) et l’Évangile (Mc 1, 14-20). Il permet de visualiser la récurrence des mots ou des thèmes communs aux deux récits, pourtant très différents.

 

Jonas rejeté du poisson. Enluminure. Ecole française XIVème siècle.