Faire Église à la maison

Nous sommes habitués à nous rassembler dans des églises ou des chapelles. Dès les premiers siècles de notre ère, les communautés chrétiennes ont construit des lieux dédiés pour les célébrations, notamment pour celles des sacrements.

Il est intéressant de faire un retour en arrière. Comment vivaient les premiers chrétiens ? Comment célébraient-ils les rites liés à leur foi ? Des textes donnent un aperçu assez éloquent.

 

« Unanimes, ils persévéraient chaque jour au temple ; ils rompaient le pain dans leurs maisons, y prenaient leur nourriture avec joie et simplicité » (Ac 2, 46). Ce texte nous renseigne sur deux points.

  • Tout d’abord les croyants, juifs d’origine, n’ont pas déserté le temple. Ce dernier restait le lieu de la prière. Ils n’avaient pas encore pris conscience du revirement que la foi en Christ allait provoquer. D’ailleurs les apôtres Pierre et Jean eux-mêmes se rendaient au temple pour prier (Ac 3, 1). Ils faisaient partie de ceux qu’on a appelés les judéo-chrétiens. Un nouveau groupe était né au sein du Judaïsme. Ce n’est que plus tard que cette branche en sera écartée.
  • Le même texte nous renseigne sur la différenciation des lieux. A Jérusalem, le temple est bien le lieu officiel et public pour la prière. Plus tard, après sa destruction, il sera relayé par les synagogues. Mais on se rassemble aussi dans les maisons qui sont des lieux privés. On y célèbre la ‘fraction du pain’, laquelle est suivie d’un repas fraternel.

 

Le Nouveau Testament mentionne à plusieurs reprises les rencontres communautaires dans les maisons. Dans la lettre à Philémon, Paul écrit à Apphia et à Achippe « ainsi qu’à l’Eglise qui se réunit dans ta maison » (verset 2). Cette formule (mot à mot : l’Eglise qui (est) dans la maison de…) se retrouve ailleurs avec les mêmes termes :

En I Co 16, 19 : il s’agit de la maison de Prisca et Aquila à Ephèse.

En Rm 16, 5 : il s’agit de la maison de Prisca et Aquila, mais cette fois à Rome où ils ont déménagé.

En Col 4, 15 : il s’agit de la maison de Nympha à Colosses.

Le texte de Ac 2, 46 concernait la communauté de Jérusalem. Mais la pratique de se réunir dans les maisons s’est répandue largement, puisqu’on la retrouve ultérieurement dans des lieux différents, jusqu’à Rome à la fin des années 50.

 

Que se passait-il dans les maisons au point de se différencier de la prière du temple ou de la synagogue ?

La scène tragi-comique, en Ac 20, 7-12, fait état de la rencontre d’une communauté dans une maison de Troas. On y repère trois éléments :

  • La communauté se réunit le premier jour de la semaine. Il s’agit du lendemain du sabbat, devenu le ‘jour du Seigneur’ (en latin, dies dominica, d’où vient le mot dimanche). On se réunissait ainsi pour célébrer la résurrection du Seigneur (cf. Mt 28, 1 ; Jn 20, 1.19).
  • Paul assure un enseignement (mot à mot : il dialoguait avec les frères, v. 7). Après l’incident provoqué par la longueur de ses propos (v. 9), l’enseignement reprend… jusqu’à l’aube (v. 11) !
  • Enfin, comme annoncé au v. 7, Paul rompt le pain (v. 11). Il s’agit en fait de l’Eucharistie suivie d’un repas.

Un autre texte (Ac 12, 12) évoque une assemblée en prière dans la maison de Marie, mère de Jean surnommé Marc.

 

Nous retrouvons dans ces deux textes trois des quatre éléments répertoriés en Ac 2, 42. Ils étaient constitutifs de la vie de la communauté chrétienne de Jérusalem. Le quatrième élément, la communion fraternelle, qui concerne autant la communion de foi que le partage des biens, n’est pas explicitement mentionné à propos des assemblées dans les maisons. Mais les textes indiquent que les premiers chrétiens avaient bien le souci des plus nécessiteux (Ac 4, 34).

 

Cette enquête dans les textes du Nouveau Testament témoigne qu’à l’origine l’Eglise domestique avait une dimension indéniable. Les raisons s’imposaient :

  • D’une part le petit nombre de croyants permettait de se réunir dans des espaces restreints.
  • D’autre part les chrétiens ne pouvaient pas célébrer les rites essentiels de la foi chrétienne, tels que l’Eucharistie, dans le temple. En Ac 16, 32-34, on voit que Paul baptise son geôlier et sa maisonnée dans la maison de ce dernier (de même Pierre baptisant Corneille dans sa maison, Ac 10, 47-48). Ces rencontres dans les maisons étaient accompagnées d’enseignement et de prière. En Ac 20, 20 Paul résumant son activité, dit qu’il n’a rien négligé, prêchant et instruisant en public et ‘en privé’ (mot à mot : dans les maisons).

 

Pour conclure :

  • Nous devons retrouver le sens premier du mot Eglise. Elle n’est pas d’abord un bâtiment. Le mot désigne avant tout une assemblée de croyants convoquée par le Seigneur. Ce n’est que plus tard qu’on a pris l’habitude de construire des bâtiments dédiés pour les célébrations.
  • Ce constat donne de l’épaisseur à ce que les uns et les autres essaient de vivre dans les maisons. Quand une personne seule devant un petit autel domestique en lien avec d’autres en prière chez eux, quand un couple fait son DSA ou réunit ses enfants pour un temps de prière, quand on lit et médite des textes à la maison, quand on se réunit en maisonnée avec des voisins pour partager ou réfléchir, on fait véritablement Eglise.

L’expérience des origines éclaire notre situation actuelle. En ce temps de confinement, il est réconfortant de nous souvenir que nos maisons sont aussi des lieux de rencontre avec le Seigneur. Soyons prêts à lui ouvrir dès qu’il frappe à la porte pour entrer (cf. Ap 3, 20).

 

Christian Berton

 

Eucharistie, fresque des catacombes de Saint Calixte (Rome)