Il m’a ouvert les yeux (Jn 9)

Fresque du XIIème siècle, hermitage de San Baudelio de Berlanga, Cloisters Museum (New-York) – Photo : Lawrence OP sous licence CC BY-NC-ND 2.0

 

L’évangile du 4ème dimanche de carême de l’année A rapporte la guérison d’un aveugle par Jésus (Jn 9, 1-41). Il s’agit d’un homme aveugle de naissance. Le fait est extraordinaire. Je propose de regarder ce texte sous trois éclairages.

 

Le premier éclairage indique une guérison d’aveugle comme il en existe d’autres dans d’autres évangiles. Ainsi, en lisant à la suite Jn 9, 1.6-7, nous avons un récit simple qui ressemble à Mc 8, 22-23 pour les points essentiels : Jésus est en présence d’un aveugle, il applique de la salive sur les yeux, l’homme voit clair. Jean donne quelques détails supplémentaires : la boue avec la salive, l’onction sur les yeux (au v. 6 et 11, le verbe ‘appliquer’ donne une traduction faible ; il s’agit en fait du verbe grec qui signifie ‘oindre’), l’envoi à la piscine.

 

En écrivant son évangile, Jean partage une réflexion présentée sous forme de dilemme qui tourne autour du verbe ‘savoir’.

  • Les parents de l’aveugle savent qu’il est leur fils et qu’il est né aveugle (v. 20)
    Mais ils ne savent pas comment il voit maintenant et qui lui a ouvert les yeux (v. 21)
  • Les Juifs savent que ‘cet homme’ (Jésus) est un pécheur (v. 24)
    L’homme ne sait pas si Jésus est un pécheur (v. 25)
    Mais il sait une chose : ‘j’étais aveugle et maintenant je vois’ (v. 25)
  • Les Juifs savent que Dieu a parlé à Moïse (v. 29)
    Mais ils ne savent pas d’où est Jésus (v. 29)
    L’aveugle s’étonne qu’ils ne sachant pas d’où il est (v. 30)
    Alors que nous savons que Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un est rempli de piété et fait sa volonté, il l’exauce (v. 31).

L’évangéliste oblige à une remise en cause. Il ne sert à rien de s’arcbouter sur une connaissance figée. Jésus bouleverse les idées reçues sur la maladie (la maladie physique n’est pas le signe d’un quelconque péché) ou sur la Loi (le sabbat n’empêche pas de faire du bien). Finalement Jésus devient un nouveau Moïse. Il convient donc d’être son disciple (v. 27-28).

Mais se prononcer pour Jésus avait un prix. L’aveugle, en prenant position, est exclu de la synagogue (v. 24). C’est effectivement la situation des premiers chrétiens au moment où Jean écrit l’évangile.

 

3ème éclairage pour comprendre le texte. Il est intéressant de le lire dans le contexte d’une démarche baptismale. Dès le début l’homme va se laver dans la piscine de Siloé. On peut facilement penser aux piscines baptismales (il faudrait pouvoir réaliser la beauté du rite où le baptisé est tout entier plongé dans le bain).

Par ailleurs on note l’insistance sur l’ouverture des yeux : 7 fois dans le texte, symbole de la plénitude de la révélation. Dans ce contexte, ‘voir’ prépare le ‘croire’.

Il est bon enfin de souligner la démarche de l’homme dans ses déclarations sur Jésus : l’homme qu’on appelle Jésus (v. 11) / un prophète (v. 17) / un homme de Dieu (v. 33) / Seigneur (v. 38). L’homme guéri laisse donc le ton neutre (v. 11) pour s’engager au terme de la démarche : « je crois, Seigneur » (v. 38). Toute célébration de baptême chrétien suppose un tel engagement dans la foi.

On pourra comparer avec le texte de Jn 4, 1-42 (3ème dimanche de carême) où une telle démarche est ébauchée : toi un Juif (v. 9) / tu es un prophète (v. 19) / ne serait-il pas le Christ (v. 29) / le Sauveur du monde (v. 42). Au terme de la démarche, on trouve la foi des samaritains (v. 39).

 

Lorsque Jean a mis ce texte par écrit, il l’a composé comme une véritable catéchèse baptismale destinée aux futurs baptisés. Ce n’est donc pas pour rien que l’Église construit autour de lui la célébration du 2ème ‘scrutin’ pour les futurs baptisés.

 

Christian Berton

 


 

Proposition pour la prière :

Je propose la prière litanique dite lors de la célébration des scrutins lors du 3ème dimanche de carême. On peut la dire pour les futurs baptisés, notamment pour les 90 catéchumènes adultes du diocèse de Lille.

Pour que Dieu lui-même, ayant chassé toute ténèbre, illumine le cœur des catéchumènes. Prions le Seigneur.

Refrain : Seigneur, exauce-nous.

Pour que Dieu lui-même les conduise à son Christ, lumière venue en ce monde. Prions le Seigneur. R/

Pour qu’ils ouvrent leur cœur, et confessent que Dieu est lumière et vérité. Prions le Seigneur. R/

Pour qu’ils soient guéris par lui, et ne se laissent pas séduire par l’incroyance de ce monde. Prions le Seigneur. R/

Pour qu’en étant sauvés par celui qui a enlevé le péché du monde, ils soient délivrés de l’oppression du péché. Prions le Seigneur. R/

Pour qu’ils soient illuminés par l’Esprit, confessent toujours l’Evangile du salut et le transmettent aux autres. Prions le Seigneur. R/

Pour que tous les habitants du monde connaissent le Dieu créateur, celui qui donne à tout être humain l’Esprit et la vie. Prions le Seigneur. R/

 


 

A propos des scrutins :

Pour les futurs baptisés adultes, l’Église célèbre les scrutins les 3ème, 4ème et 5ème dimanches de carême. Selon le psaume 139, le Seigneur scrute les cœurs :

Seigneur, tu me scrutes et me connais : que je me lève ou m’assoie, tu le sais.

Tu perces de loin mes pensées.

Que je marche ou me couche, tu le sens, mes voies te sont toutes familières.  

Selon les notes pastorales officielles, il s’agit « de faire apparaître dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais, pour le guérir, et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. »

Il y a trois scrutins pour découvrir le sens du Christ. Il est « l’eau vive (cf. Évangile de la Samaritaine), la lumière (cf. Évangile de l’aveugle-né), la résurrection et la vie (cf. Évangile de la résurrection de Lazare)… Du premier au dernier scrutin, les futurs baptisés approfondissent leur désir de salut et la découverte de tout ce qui s’y oppose. »