Je suis le bon pasteur (4ème dimanche de Pâques)

Chaque année, l’Eglise célèbre le dimanche des vocations (4ème dimanche de Pâques). Elle médite le thème du bon pasteur à partir de Jn 10, 1-18. Ce thème a des racines profondes dans les traditions anciennes de la Bible. Cette note veut en examiner plusieurs aspects.

 

Le Seigneur est mon berger

Le psaume 23 a traversé les siècles. Dieu y est présenté comme un berger (v.1-4). Il conduit le troupeau là où il trouvera de quoi se nourrir. Il donne confiance au pas de chacun. Sa seule présence rassure ceux qui vivent dans la crainte. Les prophètes se sont largement fait l’écho de cette tradition, par exemple :

  • Is 40, 11 : après l’exil à Babylone, Isaïe annonce une bonne nouvelle. Le peuple reconnaît que Dieu est son berger : il rassemble son peuple après la dispersion.
  • Ez 34 : après avoir fustigé les mauvais bergers d’Israël, c’est-à-dire les rois qui n’ont pas su gouverner le peuple, Dieu se fait connaître comme le berger : « Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin… Moi-même je ferai paître mon troupeau, moi-même je le ferai coucher » (Ez 34, 11.15).

Ce thème du bon pasteur résonnait fortement dans un peuple fortement marqué par la garde des troupeaux. Reconnaître Dieu comme le berger du peuple rejoignait la longue expérience de ces tribus nomades.

 

David, figure du berger et du messie

Il semble bien que la figure de David ait joué un grand rôle dans le choix de ce thème. Lorsque le prophète Samuel vient chez Jessé, le Bethléemite, pour choisir un roi parmi ses enfants, il décide de donner l’onction à David, le dernier des fils qui était berger (I S 16, 1-13). A partir de cette figure, deux courants vont se croiser :

  • Tout d’abord les rois du peuple de Dieu sont marqués par l’onction. En hébreu le mot signifie que le roi est ‘messie’, ‘marqué par l’onction’, ce qui, en grec, est traduit par ‘christos’. Leur rôle : paître le peuple que Dieu leur a confié (cf. II S 5, 1-3).
  • Par ailleurs Bethléem est le lieu où doit se manifester le roi messie. Le prophète Michée prononce un oracle célèbre : « Et toi, Bethléem… de toi sortira celui qui doit gouverner Israël… Il se tiendra debout et fera paître son troupeau » (Mi 5, 1-3).

 

Jésus bon pasteur

Le thème du bon pasteur resurgit dans le Nouveau Testament. La naissance du Messie à Bethléem est annoncée à Hérode (Mt 2, 4-6) avec le texte du prophète Michée. Elle est précédée par l’apparition de l’étoile qui préfigure le messie de Dieu selon les traditions du livre des Nombres (Nb 24, 17). Dans l’évangile de Luc aussi, la naissance de Jésus à Bethléem fait l’objet d’une annonce : « Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2, 11). Cette proclamation tisse les deux courants déjà identifiés : celui de Bethléem et celui du Messie. Mais il ajoute que le Christ est  ‘sauveur’ et ‘Seigneur’. Sous les traits de Jésus, Christ de Dieu, percent déjà ce qui revient à Dieu lui-même : l’octroi du salut et son titre de ‘Seigneur’.

En Mc 6, 34, Jésus regarde les foules venir vers lui. Il en a compassion, car elles étaient « comme des brebis sans berger ». De ce fait, il va les nourrir en leur procurant le pain.

En Jn 10, Jésus endosse la tunique de berger. Comme tel, il « se dessaisit de sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11). Le berger n’a pas seulement le rôle de mener ou de protéger le troupeau. Arrive en force le thème du don de sa vie (5 fois en Jn 10, 11-18). Par sa mort, Jésus se dessaisit de sa vie pour la reprendre ensuite à la résurrection (v. 17). Le même verbe se retrouve lorsque Jésus dépose son vêtement pour laver les pieds de ses disciples puis le reprend (Jn 13, 4.12), et aussi en Jn 15, 13, lorsque Jésus recommande de « se dessaisir de sa vie » comme preuve du plus grand amour.

 

Les bons pasteurs aujourd’hui

Après Jésus, le soin du troupeau est remis aux responsables des jeunes communautés chrétiennes. Ainsi la première lettre de Pierre recommande aux anciens : « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié » (I P 5, 2). La tâche pastorale revient aux dirigeants des communautés. Ils doivent les guider et en assurer la cohésion selon l’évangile qui a été proclamé.

Dans son discours d’adieu aux anciens d’Éphèse, Paul leur demande de prendre soin du troupeau dont ils sont les gardiens. Filant la comparaison, il les enjoint de se méfier des loups féroces qui risquent de s’introduire dans les communautés pour les disperser (Ac20, 28-29). La prudence était de mise en raison des nombreuses tentatives de déstabilisation des croyants à la foi encore fragile.

Enfin, Pierre lui-même se voit confier le troupeau avec un ordre de mission très clair, répété trois fois : « Pais mes brebis » (Jn 21, 15-17).

Avec le temps, l’image bucolique du berger menant le troupeau de pâturage en pâturage a terni sous les coups de butoir de la civilisation urbaine. Mais il nous reste le mot ‘pastorale’ utilisé pour parler du soin des communautés chrétiennes. Les EAP portent ce souci en veillant notamment à la catéchèse et à la liturgie. Mais à lui seul le mot ne saurait résumer la tâche de l’Eglise. La pastorale va de pair avec la ‘mission’ qui oriente les chrétiens vers ceux et celles qui ne connaissent pas encore Jésus, le bon pasteur.

 

Christian Berton

Philippe de Champaigne, Le Bon Pasteur, Musée des Beaux Arts de Tours.

Textes du dimanche 25 avril 2021 (AELF)