Fête du Christ Roi : Jésus, le Fils de l’Homme

La fête du Christ Roi clôt l’année liturgique. L’année A se termine sur l’évangile de Mt 25 31, 46. Le Fils de l’Homme « viendra dans sa gloire et alors il siégera sur son trône de gloire ». Ce titre Fils de l’Homme mérite d’être éclairé. On le trouve principalement dans les trois évangiles synoptiques (Mt, Mc, Lc) et deux fois dans l’Apocalypse de Saint Jean. Mais c’est le premier évangile qui l’utilise le plus souvent (31 fois).

 

L’une des caractéristiques, et non la moindre, vient du fait que Jésus est le seul à l’utiliser. D’où vient ce titre ? Quel sens a-t-il dans la bouche de Jésus ?

 

De toute évidence Jésus se réfère au livre de Daniel : « Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d’homme… A lui fut conféré souveraineté, gloire et royauté et tous les peuples, nations et langues le serviront » (Dn 7, 13-14). Malgré les apparences le livre de Daniel n’a pas l’intention de mettre en avant une figure individuelle. Le Fils d’homme représente le peuple de Dieu, désigné plus loin comme « le peuple des saints du Très-Haut » (Dn 7, 27). C’est bien lui qui recevra la souveraineté et la royauté. Le livre de Daniel veut en effet redonner espoir à un peuple dont Antiochus Epiphane veut nier les symboles religieux, à commencer par le temple (167-164 av. J.C.). Le peuple de Dieu est « comme un Fils d’homme » qui va s’imposer sur l’adversaire qui le maltraite.

 

Au fil du temps cette image collective va se singulariser. Elle devient une image messianique. Une tradition juive portée par le livre d’Hénoch (livre qui n’est pas dans la Bible) montre que le Fils de l’Homme aura une fonction de juge à la fin des temps.

 

Jésus prend ce titre à son compte. Les recherches entreprises par les biblistes ont montré que Jésus l’a utilisé. Il le fait au prix d’une transformation. Alors que le livre de Daniel dit : « comme un Fils d’homme », Jésus dit : « Le Fils de l’Homme ». En fait, il parle de lui. C’est comme s’il disait « je ». Ainsi en Mt 16, 13, Jésus pose la question aux disciples : « Pour les gens, qui est le Fils de l’Homme ? » La même question en Mc 8, 27 devient : « Pour les gens, qui suis-je ? »

 

Plusieurs textes du premier évangile renvoient à cette figure du Fils de l’Homme.

  • On pense bien évidemment à la réplique de Jésus lors de sa comparution devant le sanhédrin. Au grand-prêtre qui l’adjure de dire s’il est le Messie, il répond en citant Dn 7, 13 et le Ps 110, 1 : « Désormais vous verrez le Fils de l’Homme siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel ». Cette réplique constitue un blasphème.
  •  Par ailleurs en Mt 28, 19, le Christ ressuscité résume sa nouvelle position en faisant allusion à Dn 7, 13 : « Tout pouvoir m’a été donné ».

 

Ces rapprochements avec le livre de Daniel, mais aussi avec le reste de l’évangile de Matthieu, éclairent le texte de Mt 25, 31-46. D’une certaine manière, ce texte est inclassable : ni parabole, ni allégorie, ni exhortation. La mise en scène du Fils de l’Homme, à la fois juge universel et roi (v. 34.40), projette le lecteur dans un avenir lointain. Pourtant c’est bien au concret de la vie quotidienne qu’elle renvoie. Pour cette raison, certains biblistes la présentent comme « une prophétie éthique ».

 

Chacun est responsable de sa conduite devant Jésus, Fils de l’Homme (cf. Mt 16, 27). Les gestes quotidiens les plus banals, positifs aussi bien que négatifs, peuvent devenir signes du royaume ou, au contraire, ternir sa présence dans le monde. La métaphore du jugement universel par le Fils de l’Homme pousse à agir sans attendre.

 

Christian Berton

 

« Portrait du Christ », Rembrandt – Staatliche Museen zu Berlin

 

Textes du dimanche 22 novembre 2020 (AELF)