Jésus le Serviteur
Lors du dimanche des Rameaux et du Vendredi Saint, la liturgie chrétienne propose la lecture des poèmes du Serviteur d’Is 50, 4-7 et 52, 13 – 53, 12. Ces textes décrivent un homme injustement bafoué, insulté, maltraité, « familier de la souffrance ». Mais son sort personnel a quelque chose à voir avec les autres qui seront les grands bénéficiaires de son abaissement. De qui s’agit-il ? L’identification avec une personne précise s’avère difficile. Certains y voient le profil de Joseph vendu aux Egyptiens par ses frères, mais protégé par Dieu (Gn 37 – 50) ; pour d’autres il s’agirait du prophète Jérémie malmené par ses contemporains. D’autres encore pensent que le serviteur est une figure collective du peuple de Dieu. N’a-t-il pas traversé des moments de grande détresse ? Mais Dieu l’a réhabilité à chaque fois et lui a permis de se ressaisir.
L’imprécision ouvre un espace à une relecture, ce que n’ont pas manqué de faire les auteurs du Second Testament. Pour eux, Jésus endosse les traits du serviteur : n’a-t-il pas été rejeté par les hommes et ressuscité par Dieu ?
– C’est ce que fait Saint Paul. En Ph 2, 6-11, il reprend une hymne déjà existante dont les références au poème d’Isaïe ne laissent aucun doute. Jésus s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort (Ph 2, 7, cf. Is 53, 12) ; Dieu l’a « surexalté » (Ph 2, 9 en référence à Is 52, 13).
– Saint Matthieu, de son côté, oriente le lecteur par plusieurs allusions discrètes : Jésus est bien comme le serviteur quand il garde silence (Mt 26, 63 ; 27, 13 ; cf. Is 53, 7). Son tombeau est celui de Joseph d’Arimathie, un homme riche (Mt 27, 57 ; cf. Is 53, 9). Mais surtout Jésus a pris sur lui la faute des multitudes. Nous voici renvoyés à l’institution de l’Eucharistie où le vin de l’alliance est un vin versé « pour la multitude » (Mt 26, 28 ; cf. Is 53, 12). Le destin personnel de Jésus rejoint celui de tous, car ses souffrances et sa mort ont une valeur sacrificielle (Is 53, 10). Dès Mt 8, 16-17, l’évangéliste avait d’ailleurs averti le croyant : Jésus, en prenant les traits du serviteur, accomplit Is 53, 4 : « il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies ».
La prophétie d’Isaïe renvoie aussi à d’autres textes comme les psaumes 22, 69 et Sagesse 2. Tel un vitrail aux couleurs variées et complémentaires, ils guident le chrétien à comprendre les événements de la Passion de Jésus. Il découvre ainsi comment Jésus a donné sa vie « pour nous », « en prenant la condition de serviteur ».
Père Christian