Jésus le toucha (Mc 1, 40-45)

En Haute-Loire, dans la basilique Saint-Julien de Brioude, une croix porte un Christ lépreux. Son corps est recouvert de plaies purulentes. L’œuvre du XIVème siècle avait été réalisée pour la chapelle d’une léproserie. L’artiste avait manifesté ainsi la solidarité du Christ avec les lépreux qui, à cette époque, étaient bien plus stigmatisés qu’aujourd’hui.

En ce dimanche, nous célébrons le dimanche de la santé. Nous prions bien sûr pour les malades, mais aussi pour et avec les soignants et les aidants : ceux et celles qui, dans leur quotidien, approchent les malades et leur apportent un peu de réconfort. Pour nous aider dans notre prière, la 1ère lecture et l’évangile donnent l’exemple des lépreux. Sans doute ne devons-nous pas donner à cette maladie le caractère précis et scientifique qu’elle a prise au fil du temps. Autrefois – et c’était encore vrai au temps de Jésus – la lèpre désignait toute tache ou tout marque sur la peau. Mais on parlait aussi de lèpre pour désigner le salpêtre sur les murs d’une maison. Toute tache suspecte entraînait automatiquement une mise à l’écart par peur d’une contagion. C’est dans ce cadre que Jésus pose un geste étonnant. Il a deux conséquences.

Tout d’abord Jésus brise les tabous. Remarquons les anomalies. D’un côté le lépreux ne crie pas « Impur, impur » pour prévenir les passants de s’éloigner. Mais il ose s’approcher, ce qu’il n’aurait pas dû faire, et s’adresse au bon vouloir de Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Bien plus, Jésus le touche : geste insensé qui transgresse la loi intransigeante. Tout était codifié pour présenter une société chimiquement pure. Ce faisant, Jésus se range du côté des soignants. Il ne se résigne pas à l’ordre établi. En effet une personne considérée comme lépreuse devait rester à l’écart jusqu’à ce que la guérison de ses plaies s’opère par elle-même. Cette solution n’a pas d’avenir. Comme un soignant, une aide à domicile, un visiteur de personnes malades, Jésus fait tout pour limiter l’écart entre la personne malade et la société. Personne ne peut rester à l’écart en raison de son état.

Il faut rendre hommage ici à tous ceux et celles qui, par profession ou par engagement, ont le souci des malades. Rares sont les familles qui ne sont pas touchées par la maladie d’un proche. Elles s’organisent pour l’aider à traverser l’épreuve. Il y a là un devoir impérieux qui pèse parfois lourd dans l’emploi du temps quotidien.

La deuxième conséquence est inattendue. A la fin du texte de l’évangile, on nous dit que Jésus devait rester à l’écart dans des endroits déserts parce que l’homme guéri a enfreint son ordre. Il ne devait rien dire à personne et voilà qu’il répand la nouvelle.

Jésus est mis à l’écart ! Symboliquement Jésus a pris la position du lépreux qui devait se tenir à l’écart selon la loi. Symboliquement Jésus a pris le statut du lépreux, du moins pour un temps. Pour revenir au Christ de la basilique de Brioude, on peut dire, avec le prophète Isaïe, qu’il a pris sur lui nos infirmités. Il s’identifie à la personne malade. Alors nous comprenons la force de l’évangile de Matthieu : « J’étais malade et vous m’avez visité… Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c‘est à moi que vous l’avez fait ! » Seigneur, aide-nous à te reconnaître dans ceux et celles qui, dans la maladie, attendent une parole, un geste fraternel.

Père Christian

 

Brioude, le Christ lépreux. (photo de Jochen Jahnke sous licence creative commons.).