Jusqu’où mène l’étoile du Messie?
Des mages suivent une étoile mystérieuse qui indique une humble demeure à Bethléem : voilà un récit pour le moins étonnant (Mt 2, 1-12). Les questions fusent : quels sont ces mages qu’on qualifie, à tort de rois ? Quelle est cette étoile ? Hérode est-il si menacé par un enfant sans défense ? Jusqu’où s’étend le pouvoir de ce nouveau roi ?
En écrivant son évangile, Matthieu n’avait sans doute pas l’intention de donner une réponse précise à tant de questions. Son texte est d’ailleurs déroutant. L’évangéliste Luc, au moins, raconte avec force de détails l’événement de Noël, avec l’annonce joyeuse aux bergers et leur visite à l’enfant nouveau-né. Matthieu, lui, se contente d’une incise pour dire que Jésus est né : « Jésus étant né à Bethléem de Judée » (Mt 2, 1). C’est tout pour l’événement, et cela peut paraître frustrant ! Matthieu préfère mettre en scène, non pas des bergers tout proches, mais des mages venus de loin qui marchent en suivant une étoile.
Ce n’est pas la première fois que des voyageurs suivent les astres. Nombre de navigateurs ont interrogé le ciel pour garder le cap. Malheureusement à l’heure du GPS les étoiles ont perdu de leur éclat !
La Bible, quant à elle, n’ignore pas les étoiles. Certaines sont nommées (Is 13, 10 ; Job 9, 9 ; 39, 31-32). Elle nous raconte aussi l’histoire d’un certain Balaam qui, déjà, entrevoyait un astre : « Je le vois, mais pas pour maintenant : un astre issu de Jacob devient chef » (Nb 24, 17). Certains traducteurs en langue araméenne n’hésitaient pas à traduire : « quand sera exalté le Messie ». A n’en pas douter Matthieu se sert de cette vieille histoire pour rappeler que l’étoile suivie par les mages désigne le Messie.
Les mages étaient-ils des savants astrologues, capables de repérer le mouvement des étoiles ? Peut-être ! Mais Matthieu ne s’attarde pas sur cet aspect. Il donne un double message.
- Tout d’abord, selon son évangile, les premiers adorateurs de l’enfant de Bethléem ne sont pas des gens du voisinage, mais des gens venus d’ailleurs : des non-juifs ! C’est la première surprise pour ses lecteurs : l’évangile a une portée universelle. Tous et toutes, quelle que soit leur origine, peuvent venir à la rencontre du Messie. Message universel qui se retrouve à la fin de l’évangile : « allez, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19).
- En second lieu, il est clair que l’évangéliste veut lancer un débat. Le pouvoir du roi Hérode est en péril puisqu’un autre est appelé « roi des Juifs » (Mt 2, 2). Une grande partie de l’évangile définit précisément les contours de cette nouvelle royauté et l’enseignement de Jésus conteste effectivement tous les pouvoirs qui oublient l’établissement du droit et de la justice : n’était-ce pas là, dans l’antiquité, les prérogatives d’un bon roi ! Le motif de la condamnation de Jésus placé au-dessus de sa tête lors de la crucifixion porte sur ce point : « Celui-ci est Jésus, roi des Juifs » (Mt 27, 38). Hérode avait raison de se méfier : cette royauté-là, jusqu’au bout de l’amour, est indétrônable !
Père Christian