La gloire et la croix

La gloire et la croix : deux mots qui ne vont pas ensemble, pourtant réunis sous le vocable de la fête de « la Croix glorieuse » (14 septembre). Saint Paul les rapproche dans un de ces textes majeurs du Nouveau Testament : on a coutume de l’appeler l’hymne aux Philippiens (Ph 2, 6-11).

La première partie du texte (v. 6-8) indique que Jésus s’est dépouillé de lui-même (mot à mot : ‘il s’est vidé’). Il était dans la condition de Dieu et pris la condition de serviteur, un mot qui est bien pâle par rapport à la réalité. Il s’agit en fait de la condition d’esclave, de celui qui n’a rien en propre et qui ne peut pas même décider des conditions de sa propre existence. Jésus a donc pleinement partagé la vie des hommes jusqu’à la mort en s’abaissant. Quel contraste entre la condition de Dieu et la mort infâme sur la croix ! L’auteur insiste. Jésus a consenti à vivre ce passage : il s’est vidé lui-même, il s’est abaissé lui-mêmesans renoncer pour autant à ‘obéir’ à son Père. Encore un paradoxe qui jalonne le texte.

Dans la deuxième partie (v. 9-11) le ton change. Cette fois Dieu est le sujet de la proposition principale comme s’il prenait en main l’avenir de Jésus. Après avoir décrit l’abaissement, l’auteur multiplie les indications d’élévation. Dieu l’a élevé au-dessus de tout (mot à mot, il l’a ‘surexalté’). Quant à son nom, il est au-dessus de tout nom. Ce nom d’ailleurs fait l’objet d’un suspens. Il faut attendre la fin de l’hymne pour le découvrir : Jésus-Christ est aussi Seigneur. Voilà qui nous renvoie aux premières professions de foi chrétiennes (cf. Ac 2, 36). ‘Seigneur’ est l’autre nom de Dieu dans la Bible. Nous sommes là au terme de l’élévation de Jésus.

Du même coup l’attitude des humains est double.

• D’une part ils fléchissent les genoux en geste de reconnaissance et d’adoration.
• D’autre part ils proclament la ‘Seigneurerie’ de Jésus. C’est le moment de l’annonce joyeuse, de l’évangélisation et du témoignage.

Au terme, le lecteur croyant et priant ne peut qu’admirer le mouvement de tout le texte. Tout part de la condition de Dieu pour arriver à la gloire de Dieu le Père. Mais entre temps, Jésus est passé par la mort sur la croix.

Condition de Dieu (v. 6)  ==>  croix (v.8)/surexalté (v. 9)  ==>  gloire de Dieu (v.11)

Un tel mouvement contrasté explique pourquoi la liturgie – outre la fête de « la Croix glorieuse » – propose ce texte pour le temps de Noël (l’Incarnation est un abaissement) et le temps de Pâques (Jésus vit le passage de la mort à la résurrection). L’hymne nous renvoie ainsi au paradoxe du Christianisme : la révélation de la gloire de Dieu a pour corollaire l’abaissement de Jésus son Fils.

Père Christian Berton