La parole est dans ta bouche et dans ton cœur (Rm, 10, 8 ; Lc 4, 1-13)

Chaque carême commence, le premier dimanche, par l’évangile racontant les tentations de Jésus. Pendant 40 jours dans le désert, Jésus jeûne. Affaibli, il se trouve confronté au diable, au Satan. C’est le temps de l’épreuve absolue : va-t-il rester fidèle au Père qui lui confie une mission ? Ou va-t-il tomber dans le piège qui lui est tendu ?

Parfois on a du désert une image déformée. C’est vrai qu’il y a des paysages extraordinaires, à perte de dunes. Mais la Bible en donne un autre aspect, fait de rudesse, de sécheresse et de solitude. C’est bien dans ce désert que Jésus arrive.

Cette année, j’ai lu ce récit des tentations de façon un peu différente. Je me suis posé la question : est-ce que l’Eglise n’est pas en train de traverser un désert ? N’est-elle pas confronté à une grande épreuve ? Les mauvaises nouvelles semblent en effet s’accumuler.

  • Les affaires d’abus sexuels rapportés par les médias. Impossible d’y échapper. Chaque jour semble apporter une nouvelle affaire.
  • L’annonce officielle, il y a quelques jours, que le séminaire, faute de candidats suffisants, fait une pause dans la formation des candidats à Lille.

J’ai l’impression de me trouver devant un horizon de tristesse et de désolation. L’épreuve est bel et bien là. Aussi je me pose la question : jusqu’à quand, Seigneur, ce déluge de mauvaises nouvelles ? Comment rendre notre foi active, pour reprendre un mot de Saint Paul ? Comment rendre la parole de Dieu audible dans un concert de paroles négatives ?

En contrepartie il y a des belles choses. Hier après-midi, j’étais à Croix. Dans l’église St Martin, les catéchumènes, futurs baptisés de Pâques, ont entendu l’appel décisif qui les introduit dans la phase qui les conduira à Pâques. Dans notre paroisse, ils étaient 3… L’évêque leur a demandé s’ils voulaient rester fidèles à la prière et à entendre la parole de Dieu. Ils se sont engagés à poursuivre leur préparation pendant ce carême. La prière de notre communauté les accompagne.

Jésus peut inspirer notre démarche. Satan cherche à le détourner de sa mission de service. Mais Jésus résiste en se basant sur la parole de Dieu.

Va-t-il répondre aux sirènes du : « je veux tout et tout de suite ? » Jésus donne une autre orientation : « L’homme ne vit pas seulement de pain. » Les biens de la terre ne sont pas un absolu pour combler notre désir. Le Pape François nous l’a rappelé dans son encyclique ‘Laudato Si’.

Va-t-il répondre aux sirènes du pouvoir ? « Je te donnerai tout ce pouvoir… si tu m’adores », dit le tentateur. Pouvoir de commander aux autres, pouvoir de s’affirmer puissant, quitte à passer par toutes les bassesses. Mais Jésus propose de se prosterner devant Dieu. Sa mission ne consiste pas à dominer, mais à servir.

Va-t-il répondre aux sirènes du ‘m’as-tu-vu’ en vertu de son statut de ‘Fils de Dieu’ ? Mais pour Jésus, peu importe le statut des personnes par rapport à Dieu ou par rapport aux autres. C’est mettre Dieu à l’épreuve que de l’obliger à intervenir pour nous !

Jésus refuse d’être un Messie hors sol. Il vit sa mission en proximité avec l’humanité et en lien avec son Père.

Jésus puise la force de sa réponse dans la parole de Dieu. C’est cette parole que nous devons réentendre pour vivre notre carême : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. » Cette parole le  thème de notre carême. Notre Père évêque nous l’a proposée pour cette année dédiée aux jeunes et nous la reprenons à notre compte.

La 2èmelecture tirée de la lettre aux Romains le rappelle : la parole « est dans ta bouche et dans ton cœur. » Pour rendre la parole audible, pour la proclamer donc, il convient que le cœur se rende attentif à l’appel du Seigneur : « Parle Seigneur. » Si l’Eglise veut à nouveau donner un message d’espoir dans le monde, il est temps qu’elle revienne à la base de la foi : pour cela se remette à l’écoute de la parole, se laisser transformer par elle et modifier ses comportements. Le carême peut être un temps privilégié pour cela.

Dans deux jours, notre évêque va faire une conférence sur le thème de l’appel : « Dieu appelle-t-il, oui ou non ? » La réponse est sans doute « oui » ! Il serait important que nous répondions présents à son invitation.

Seigneur, comme Jésus, rends-nous attentifs à ta parole. Elle est notre soutien en ce temps de désert. Ouvre nos cœurs pour mieux l’entendre et répondre à ton appel avec générosité.

Père Christian Berton

 

Désert du Sinaï – Photo : prilfish (Licence CC BY 2.0)

Interview du Père Garin, supérieur du séminaire de Lille, à propos de la “pause” décidée au séminaire pour la rentrée 2019 : https://actu.fr/hauts-de-france/lille_59350/fermeture-provisoire-seminaire-lille-cest-douloureux-mais-jespere-pas-irreversible_21869865.html