La traçabilité de l’Alliance

Il y a un mot qui est bien entré dans le vocabulaire français, le mot ‘traçabilité’. Les scandales sanitaires et les préoccupations des consommateurs ont obligé les autorités à prendre des mesures pour mieux contrôler ce qui est mis sur les étals, depuis la production jusqu’à la consommation. Voilà une disposition heureuse, car des gens peu scrupuleux vous font croire tout et n’importe quoi, avec la force des slogans publicitaires.

Je voudrais vous parler d’une autre traçabilité ce matin : la traçabilité de l’Alliance de Dieu avec les hommes. Idée qui va paraître bizarre, car l’Alliance n’est pas un produit consommable. Mais Dieu nous la propose. Nous voulons en explorer un aspect chaque dimanche de ce carême. Dimanche dernier, Dieu faisait alliance, à l’origine, pour tout l’univers.

Pour montrer cette continuité de la présence de Dieu dans l’histoire, il est bon de comparer le 1er texte, celui du sacrifice d’Abraham, et l’évangile de la Transfiguration.

Ici et là on trouve la montagne comme lieu où Dieu intervient. Les actes importants de la vie de Jésus se passent en effet sur une montagne. De la même manière Dieu y avait appelé Abraham pour y sacrifier et il avait fait alliance avec le peuple par l’intermédiaire de Moïse. Dans les deux textes on parle du fils bien-aimé : Isaac et, dans l’évangile, l’appellation concerne Jésus. Dans l’Ancien Testament Abraham substitue un agneau à son fils. Pour nous Jésus est le nouvel ‘Agneau de Dieu’. Dans le texte de la Genèse, on nous parle d’un autel sur le mont Moriah. Ultérieurement les sacrifices ont lieu sur l’autel du temple de Jérusalem. Pour nous chaque messe célébrée met au centre l’autel vers lequel converge toute l’action liturgique.

Mais surtout la transition entre l’ancienne et la nouvelle alliance se fait à travers la présence d’Elie et Moïse. Ils sont précisément les champions de l’alliance. L’un, Moïse, a été l’intermédiaire entre Dieu et la peuple sur la montagne. L’autre, Elie, retourne à la montagne de l’alliance quand il voit que la foi en Dieu est menacée. Désormais Jésus prend le relais.

Oui, il est possible de comprendre la continuité du projet de Dieu en considérant les étapes de l’alliance. C’est en cela que je parle de traçabilité. Mais nous savons que l’Alliance n’est pas un produit achetable et consommable. Pourtant elle a un prolongement qui dépend de nous.

  • D’une part elle requiert la fidélité et l’accueil de la parole de Dieu. Abraham ne discute pas l’ordre de Dieu. Il se met en route tout simplement avec son fils, sans doute sans comprendre le dessein de Dieu. Il ne sait même pas que Dieu veut le mettre à l’épreuve. De son côté, l’évangile nous propose de nous mettre à l’écoute : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » Dans l’Ancien Testament, Dieu avait annoncé qu’un prophète comme Moïse viendrait et qu’il faudrait l’écouter. Jésus est ce prophète ! La fidélité passe par l’écoute de sa parole. Parfois elle nous dérange. Quelle place tient la parole de la Bible dans nos vies ?
  • Une autre piste de continuité concerne la rupture avec des rites anciens. Le récit du sacrifice d’Abraham nous parle d’un sacrifice humain demandé par Dieu. Voilà quelque chose qui nous horrifie, à juste titre. Prenons conscience que ces sacrifices ont bel et bien eu lieu dans certaines cultures, et nous en avons des traces dans la Bible. Mais le texte biblique prend position de manière forte et claire : cela n’est plus admissible, cela n’est plus permis. Le Dieu de l’Alliance ne veut pas ce genre de sacrifices. Mais regardons ce qui se passe aujourd’hui sans nous voiler la face. Il y a encore aujourd’hui des pays où on sacrifie la vie des personnes, dont de nombreux enfants, sur l’autel du pouvoir, de la cupidité et de la corruption. La traçabilité de l’alliance va jusqu’à cet engagement à promouvoir et garantir la paix. Apprenons à nous impliquer.
  • La Résurrection de Jésus marque une étape décisive dans la continuité de l’Alliance. N’est-il pas de la descendance d’Abraham ? En lui et par lui la bénédiction est octroyée à toute l’humanité. Aussi une question se pose : y a-t-il encore en nous des traces de cette Alliance où Dieu communique sa vie ? Il a besoin de nous pour continuer son histoire d’amour.

 

Père Christian

 

Le Titien (1560), église Saint Sauveur, Venise.