Lc 10, 25-37 : va et, toi aussi, fais de même

Le texte de Lc 10, 25-37 est bien connu de tout l’évangile, car il contient ce qu’on a coutume d’appeler la parabole du bon samaritain. Mais pour appréhender le sens de ce texte emblématique, il convient de le remettre dans son contexte.

Jésus va son chemin vers Jérusalem. Il est déterminé à prendre cette direction (9, 51). Il a pris soin d’envoyer ses disciples ‘en avant de lui’ (10, 1), lesquels sont revenus tout joyeux de leur première mission (10, 17-20). Dans ce voyage, il rencontre un légiste et dialogue avec lui pour répondre à ses questions. L’évangéliste Luc a pris soin de structurer cet échange entre Jésus et le légiste.

 

Les v. 25-28 portent sur le respect de la loi pour avoir la vie éternelle.

  • v. 25 : question :  que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?
  • v. 26-27 : référence explicite à la loi avec deux renvois à l’Ecriture (Dt 6, 5 et Lv 19, 18)
  • v. 28 : conclusion de Jésus : fais cela et tu vivras

Ce premier ensemble est tout à fait cohérent. La vie recherchée se nourrit de la pratique des commandements. La référence à Dt 6 renforce ce point de vue. En effet, les versets qui précèdent insistent sur le lien entre le respect des lois et coutumes qui ont leur origine dans le Dieu de l’alliance et la vie promise (Dt 5,33 ; 6, 2). Dans l’Ancien Testament, pour garder la loi, il fallait ‘faire les commandements’.

 

Les v. 29-37 ont une même structure d’ensemble.

  • 29 : question posée par le légiste : qui est mon prochain ?
  • 30-35 : le récit exemplaire du samaritain
  • 36-37 : conclusion sous forme de dialogue : lequel s’est montré le prochain ?

L’histoire des v. 30-35 met en scène plusieurs personnes. L’auteur caractérise les attitudes des différents protagonistes par des mots soigneusement choisis :

Les bandits :                                 ils rouent de coups                               et partent

Le prêtre :                         il voit                                                                   et passe outre

Le lévite :            il vient, il voit                                                                   et passe outre

Le samaritain :   il vient, il voit, il est pris de pitié,   il vient vers        et soigne

Tous les verbes ‘partir’, ‘passer outre’, ‘venir’ et ‘venir vers’ sont construits à partir d’une unique racine grecque qui veut dire : ‘aller’ ou ‘venir’. Ainsi le légiste peut répondre à sa propre question en utilisant les indications des mouvements des personnes. D’ailleurs il ne s’y trompe pas. Mais il ajoute un élément : ‘c’est celui qui a fait miséricorde avec lui’ (v. 37). Le mot miséricorde renvoie au terme ‘pris de pitié’ utilisé au v. 33 pour désigner les sentiments de l’homme de Samarie.

 

L’ensemble des v. 25-39 s’unifie autour du verbe ‘faire’. On le trouve en effet deux fois dans les v. 25-27 et deux fois dans la conclusion (au v. 37 : ‘faire miséricorde’ et ‘fais de même’). Cette fois, le ‘faire’ s’accompagne de miséricorde. Cette mise en action s’illustre facilement à travers les nombreuses initiatives du samaritain. Jésus indique ainsi au légiste qu’il ne doit pas rester sur le seul registre du respect des commandements.

Enfin il est bon de noter l’impératif ‘va’. Il ne s’agit pas du même verbe grec que celui rencontré dans les v. 30-35. En fait il caractérise le mouvement de Jésus vers Jérusalem. On le trouve en Lc 9, 51.52.53.56.57 ; 10, 38[1]. Jésus invite le légiste à se mettre, lui aussi, en chemin et, à chaque étape, à manifester la miséricorde de Dieu. C’était la méthode de Jésus. Il n’en a pas dévié.

 

Christian Berton

 

[1]On peut noter que le même verbe ‘aller’ ou ‘se mettre en chemin’ vient lui aussi en Dt 5, 33.

 

Le Bon Samaritain, Vincent Van Gogh, 1890, Rijksmuseum