L’Eglise toute maquillée pour Dieu

Les 50 jours qui séparent Pâques de la Pentecôte nous aident à comprendre peu à peu l’étendue de la transformation apportée par la résurrection de Jésus. Nous avons médité sur Jésus lui-même et sur la joyeuse annonce de la Bonne Nouvelle. Mais peu à peu le regard s’infléchit vers la vie de l’Eglise. Les textes de cette messe nous dressent un triple portrait.

La 1èrelecture (Ac 14, 21-27) montre les apôtres Paul et Barnabé à l’œuvre pour affermir la foi des disciples qu’ils ont déjà visités. Et pour qu’ils tiennent le coup, ils désignent des personnes, qu’on appelle les Anciens, pour conduire les communautés. Il s’agit de structurer les communautés issues de l’évangélisation. L’étonnant vient de la fin du texte : à travers eux, c’était Dieu qui était à l’action : « ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi. »

La 2èmelecture (Ap 21, 1-5) verse clairement dans l’optimisme. L’auteur reprend les vieux oracles des prophètes pour annoncer un ciel nouveau et une terre nouvelle. Dieu fait « toutes choses nouvelles. » Leçon d’espérance dans un monde troublé où nous entendons trop souvent les cris, les larmes, la douleur de tant de personnes pris au piège de la violence. Dans cette vision, voici que l’Eglise, Jérusalem nouvelle, vient, telle une fiancée à la rencontre de son époux. Dieu habite là, « avec eux », c’est-à-dire avec les disciples. L’Eglise constitue sa demeure (mot à mot : sa tente), le lieu de sa présence.

L’évangile (Jn 13, 31-35) met l’accent sur l’amour. Jésus est encore avec ses disciples, mais il sait que le moment est venu où ils devront vivre autrement sa présence. Alors vient le commandement nouveau de s’aimer les uns les autres. Il n’y a pas d’échappatoire. Si une communauté veut témoigner de la joie de Pâques, elle ne le peut que par l’amour fraternel. L’exemple vient de Jésus lui-même : « comme je vous ai aimés », c’est-à-dire sans condition, sans considération de mérite : tout simplement parce que chacun a droit à sa dignité.

De ces trois lectures que retenir pour nous aujourd’hui et pour notre vie en Eglise ?

  • Tout d’abord elle ne peut vivre qu’en manifestant la triple dimension de la vie chrétienne : la foi, l’espérance et la charité fraternelle. Sans cela nous risquons de laisser de côté un pan de notre baptême.
  • L’Eglise doit se faire belle pour Dieu. La 2èmelecture dit qu’elle est comme une épouse parée pour son époux. Il faudrait traduire : « maquillée pour son époux. » Du mot grec utilisé (kosmeô)vient le mot cosmétique. Malheureusement elle en est loin, très loin. Combien de purifications, combien de repentances doit-elle faire encore avant d’être ainsi. Elle ne deviendra « demeure de Dieu » que lorsque les comportements de ses membres donneront à tous la joie de vivre.
  • Nous gardons la conviction que c’est Dieu qui travaille dans et par l’Eglise au sein du monde. Il a besoin de nous pour rejoindre les cœurs. Si nous témoignons de sa présence, alors il fera, en son temps, le reste du travail !

Pour terminer, je voudrais revenir au témoignage de Jean Vanier. Il a créé la communauté de l’Arche où les gens s’accueillent tels qu’ils sont. Lui-même s’est senti accueilli autant qu’il a accueilli. Il n’a pas fait le fanfaron, mais reconnaissait ses propres fragilités. Il l’écrivait lui-même : « Être un homme, c’est reconnaître qu’on est fragile. C’est aussi cela, qui nous rend capable d’aimer. Accepter ses faiblesses, c’est crier à l’autre : j’ai besoin de toi. » Il n’y a pas ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, il n’y a pas les forts et les faibles. Il n’y a que des êtres qui se reconnaissent complémentaires. Dans la foi, l’espérance et la charité, ils nous tracent le chemin d’une humanité nouvelle et donnent le visage d’une Eglise toute « maquillée » pour Dieu.

Père Christian Berton

 

Jean Vanier en 2012