L’Etoile du Christ nous guide (Mt 2, 1-12)

L’évangile de Saint Matthieu est pour le moins déroutant.  Concernant la naissance de Jésus, il ne dit presque rien : « Jésus était né à Bethléem, en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. » C’est tout ! Rien à voir avec l’apparition aux bergers dont parle Saint Luc, ou avec le chant des anges dans la nuit illuminée. La sobriété du premier évangile déroute, alors qu’il fait intervenir des mages mystérieux venus d’Orient. Là aussi, il ne donne que peu d’explications sur ces personnages qui ne sont pas plus roi que moi. Mais le récit qu’il fait de cette visite extraordinaire nous conduit à relever plusieurs défis.

Tout d’abord qui est roi ? La question est implicite. Si Hérode est roi, il n’est pas étonnant qu’il se sente menacé. Les mages parlent du roi des Juifs qui vient de naître. Il y aurait donc un concurrent, un prétendant au trône. Cela ne peut pas être. On voit bien l’ironie de l’écrivain : il évite à tout prix de dire qu’Hérode est le roi des Juifs, ce qu’il est en fait, et il donne le titre à un autre. Mais plus important, il donne deux fois ce titre à Jésus dans l’évangile : lorsqu’il était nourrisson et lorsqu’il était sur la croix, avec l’écriteau au-dessus de sa tête, « Celui-ci est Jésus le roi des Juifs » (Mt 27, 37). C’est donc là qu’il faut chercher le roi des Juifs : non pas dans la puissance d’une royauté humaine, mais lorsqu’il se livre à l’humanité dans la plus grande et la plus désarmante faiblesse.

Une autre question surgit, complémentaire de la première. Où faut-il chercher le roi des Juifs ? Spontanément les mages se présentent à Jérusalem. Un roi ne peut habiter que dans une capitale, lieu de pouvoir. Mais ils font erreur. Le roi est à Bethléem. Nous mesurons à nouveau l’ironie de saint Matthieu. D’une part les prêtres et les scribes vont parcourir les Écritures pour découvrir que le Christ devait naître à Bethléem. Sans doute, devons-nous, à notre tour, lire et relire les Ecritures pour discerner où est Jésus. D’autre part c’est Hérode lui-même qui indique le chemin aux mages. Oui, avec l’aide de celui qui menace le Christ, ils vont pouvoir mener à bien leur projet de se prosterner devant le nouveau-né. Découvrir le Christ suppose pour nous de sortir des sentiers battus pour le trouver là seulement où il peut se trouver : dans le dénuement extrême, signe de l’unique puissance qu’il révèle, celle de l’amour.

Troisième défi. Par quel chemin suis-je arrivé à Jésus ? Quelle étoile m’a guidé depuis que je me suis en quête de vérité ? Nous avons pris l’habitude de nous guider avec les GPS. On programme le GPS et il nous conduit là où nous voulons aller. Mais les mages ne savaient pas où ils allaient : ils devaient suivre l’étoile du Messie, du Christ.

Je lisais récemment l’expérience d’un journaliste, Michel Cool. Il a « fait l’expérience d’une renaissance spirituelle », qui a eu lieu à l’abbaye de Chimay, en Belgique. Il s’est senti « converti au silence de la Présence ». Il accueille en lui un message : « Tu n’es pas seul ; je suis avec toi et je t’aime. » Il avait suivi l’étoile pendant un temps, l’avait perdu de vue et voilà qu’elle s’impose à lui dans la nuit qu’il traversait.

J’ai entendu récemment plusieurs personnes me raconter leur chemin de vie. Elles ont suivi des itinéraires improbables, difficiles, loin de toute lumière. Et soudain, un mot, un geste, un accueil, un verset biblique leur ont permis de retrouver le Christ comme une lumière brillant à nouveau à l’horizon.

L’itinéraire des mages n’est pas rectiligne. Au moment où ils oublient l’étoile, ils arrivent à Jérusalem, pensant y trouver l’objet de leur recherche. Ils se sont laissés attirer par ce qui est clinquant. Le défi est de garder les yeux sur l’étoile. Ne nous est-il pas arrivé d’errer, oubliant de nous fier au cap fixé par l’étoile ? Parfois la joie d’avoir découvert le Christ se perd parce que nous avons fixé le regard sur des lumières, plus proches peut-être. Leur éclat s’impose à nous et risque d’éclipser la petite lumière de Bethléem. Laissons le Christ nous donner une clarté nouvelle sur notre vie et la vie du monde.

 

Père Christian

 

Adoration des Mages, Giotto (début XIVeme siècle), Padoue.