Me voici, envoie-moi ! (Homélie du dimanche 18 oct. 2020)

Ce matin l’écho du mal-être de notre monde retient mon attention.

  • Il y a cet attentat horrible dont a été victime un enseignant. Au nom d’une idéologie qui n’est pas une religion, on tue, on ne respecte pas la dignité des personnes. C’est insupportable en nos jours. Parce que l’Eglise elle-même a confondu, en son temps, religion et idéologie, elle se doit plus que jamais de promouvoir le respect des différences.
  • Il y a la pandémie et les conséquences sanitaires. Les mesures prises touchent à notre liberté. Comment, à nouveau, vivre ce temps dans le respect des personnes et la volonté de vaincre le mal physique ?
  • Il y a aussi, mais elles sont oubliées en raison de l’actualité, les lois sur la bioéthique. Elles touchent au début et à la fin de la vie. Elles heurtent les consciences. La science peut faire beaucoup de choses, et des belles choses. Mais comment le faire tout en respectant la dignité de l’être humain, aussi fragile qu’il soit, au début ou à la fin de la vie ?

En regard de tout ce qui se passe, j’entends trois paroles bibliques.

  • La première est le thème de cette journée missionnaire mondiale : « Me voici, envoie-moi ! » Le pape François rappelle à chacun son état d’envoyé, de missionnaire. Dans le livre d’Isaïe, e Seigneur avait posé une question : « Qui enverrai-je, quel sera mon messager ? » Le prophète, malgré sa faiblesse, avait répondu : envoie-moi. Être envoyé auprès de ses frères et sœurs de la même religion, être envoyé au cœur de ce monde pour lui annoncer une bonne nouvelle de réconciliation et de paix, mais aussi pour lui dire que parfois, les yeux se sont fermés devant la réalité, les oreilles se sont bouchées pour ne pas entendre la rumeur de la rue. La mission d’Isaïe n’a pas été une sinécure, mais elle était essentielle.
  • Deuxième parole : celle de Paul quand il écrit aux chrétiens de Thessalonique. Il les félicite : votre foi est active, votre charité se donne de la peine, votre espérance tient bon. La foi, l’espérance et la charité servent de support au témoignage rendue par cette communauté. Ce serait sympa pour notre communauté de St Maurice des Champs de recevoir un tel courrier de félicitations. Mais où en sommes-nous ? Cette semaine, j’ai reçu un courriel : une personne, que je ne connais pas, propose ses services pour le repas solidaire. Elle illustre exactement la phrase de Paul : « Que votre charité se mette en peine. » C’est de cela qu’il s’agit.
  • Troisième parole : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » On a voulu piéger Jésus, mais Jésus s’en sort, non pas par une pirouette intellectuelle, mais par la mise en perspective. Il refuse de se mettre sur le terrain du permis et du défendu. Il ouvre plutôt un chemin de liberté en posant une question redoutable : si tu rends à César ce qui lui revient (à noter que ses interlocuteurs ont, dans leur poche, une pièce portant l’effigie de César), es-tu prêt à rendre à Dieu ce qui lui revient, ce qui porte son effigie ? La réponse de Jésus renvoie chacun à sa propre responsabilité. Si je porte en moi l’effigie de Dieu, mot à mot, l’image de Dieu, est-ce que mes choix de vie reflètent l’image d’un Dieu amour ?

Il est intéressant de constater, dans la première lecture, que le Seigneur choisit Cyrus, le roi Perse, qui n’est pas du peuple de Dieu, et lui donne le nom de Messie. C’est inouï ! Un étranger qualifié de Messie. Cela signifie que la religion n’est pas un carcan. Cyrus est messie parce qu’il a ouvert les portes à deux battants, il a ouvert un chemin de liberté. Jésus s’inscrit précisément dans ce mouvement. Il ouvre, lui aussi, par sa mort et sa résurrection, assumées par amour, un chemin de liberté. Il ne s’agit pas de faire ‘du n’importe quoi’, mais de permettre à chacun et chacune de grandir et de s’épanouir grâce au respect de la dignité de l’autre. Dans ce monde aux abois, nous avons quelque chose à annoncer. Soyons porteurs de ce message. Oui, Seigneur, « me voici, envoie-moi. »

Père Christian Berton

Les lectures du jour sont disponibles ici : https://www.aelf.org/2020-10-18/romain/messe

 

Le Christ et le Denier de César, Rubens, Musée du Louvre (photo Sailko)