Où te situes-tu ?

La question posée par le Seigneur à l’homme dans le jardin, “Où es-tu ?”, m’en rappelle une autre que, continuellement, on nous posait quand j’étais au Grand Séminaire : « Où te situes-tu ? » C’était pour nous obliger à parler en étant conscient que nous avions des a-priori, des façons de comprendre les personnes ou les situations qui influençaient notre façon de parler ou de nous comporter. Aujourd’hui, je pense qu’il est toujours important de prendre conscience de notre situation pour répondre de notre foi.

Le récit de la première lecture n’est pas un récit historique, mais un conte ancien qui résonne comme un récit exemplaire. Il ne dit pas grand chose, sinon rien, sur les circonstances historiques de l’apparition de l’homme, mais insiste sur notre condition humaine.

Adam and Eve, Lincoln Cathedral, Lincoln, Royaume-Uni

L’homme s’est caché car il est nu ! La nudité, dans l’Ancien Testament, ne concerne pas la pudeur, mais la faiblesse, la vulnérabilité. Ainsi la Bible nous parle de guerriers qui fuient nus, sans armes : ils ont perdu, ils battent en retraite, ils sont vulnérables. L’homme voulait connaître le bien et le mal, être comme Dieu, et voilà qu’il se découvre faible. Dans cet état, l’harmonie entre l’homme et la femme, entre l’humain et la nature (ici le serpent) est rompue. Ils se renvoient la balle : ce n’est pas moi, c’est l’autre… Le désordre provoqué par la faute fait que l’humain se situe en porte à faux. Il ne sait plus où il en est : tout n’est que distance entre l’homme et la femme, entre l’humain et la nature, entre l’humain et Dieu.
Nous sommes alors aux antipodes du projet de Dieu sur l’humanité et le monde. Le Pape nous l’a rappelé dans sa lettre sur “la maison commune”. Tout est lié, écrit-il. Notre façon de traiter l’environnement a des conséquences sur nos relations sociales.

L’évangile va dans un sens proche. Les gens se posent beaucoup de questions autour de Jésus. Ils n’arrivent pas à le cerner. Certains disent : “Il a perdu la tête” ; d’autres : “il a Beelzeboul” ou “il a un esprit impur“. Et quand la famille de Jésus arrive, ils le cherchent.
Il y a ceux qui se situent au dehors et ceux qui sont dedans.

  • Dehors, ce sont les gens qui cherchent Jésus. Ils ne comprennent pas ce qu’il dit et fait. Ils veulent en savoir davantage. Ou bien ils veulent le garder pour eux.
  • Dedans, ce sont les disciples. Ils font cercle autour de Jésus. Il les appelle frère, sœur, mère. Ils forment sa nouvelle famille. Le moment venu, il les enverra annoncer la bonne nouvelle. Ils seront alors disciples-missionnaires. Cela nous choque peut-être, car cela concerne la famille de Jésus, y compris Marie, sa mère. Mais cela a un sens : les plus proches de Jésus ont eu un chemin à faire, eux aussi, pour comprendre qui il était. D’une certaine manière, il leur échappait. Il leur revient d’entrer pour faire partie de ces disciples.

 

Tout cela nous renvoie à plusieurs questions.

  • La première concerne notre propre situation. Sommes-nous dehors ou dedans ? Sans doute tout n’est pas tranché. Parfois nous donnons l’impression de rester sur le parvis, comme on dit. Mais à d’autres moments, nous franchissons le seuil pour faire cercle autour de Jésus et écouter sa parole.
  • La deuxième question concerne notre attitude. Acceptons-nous de chercher encore Jésus sans tout comprendre de ce qu’il apporte au monde ? Personne ne peut dire : je connais Jésus, je sais tout de lui, je suis au taquet sur les questions de foi chrétienne !
  • Enfin avons-nous pris conscience de notre rôle aujourd’hui ? Si nous faisons cercle autour de Jésus, ce n’est pas pour être bien au chaud. L’écoute attentive de sa parole est un tremplin pour aller de l’avant et pour devenir à notre tour disciple-missionnaire. Laissons-nous interpeller par Le Christ pour répondre de notre vocation baptismale.

 

Père Christian Berton