Pierre et Paul : portraits croisés
La même fête réunit Saint Pierre et Saint Paul, le 29 juin. Selon la tradition ils sont morts tous les deux à Rome sous la persécution de Néron, mais alors que bien des traits les rapprochent, d’autres les opposent.
Pierre apparaît toujours en tête de liste quand les auteurs des Evangiles donnent les noms des douze apôtres choisis par Jésus. Une autorité lui est donc reconnue depuis l’origine (Mt 16, 18-19). Premier de la liste, mais pas forcément le meilleur ! Il suffit de lire les textes pour voir le contraste. D’un côté il ne manque pas de générosité pour suivre Jésus. Il veut le rejoindre quand il le voit marcher sur l’eau (Mt 14, 28) ; il déclare avec justesse qui est Jésus (Mt 16, 16) ; il se démarque des autres en se montrant fort au moment de l’épreuve ultime (Mt 26, 33). Mais il coule lamentablement (Mt 14, 30-31), il devient un obstacle (un ‘satan’) sur le chemin de Jésus (Mt 16, 23), il fait l’expérience amère du reniement (Mt 26, 69-75). Malgré ses faiblesses évidentes, Jésus l’a choisi, lui, le pêcheur galiléen, pour animer la communauté chrétienne naissante. Il servira de roc sur lequel elle pourra s’édifier.
Paul, quant à lui, avait bien conscience qu’il était le dernier venu, « le plus petit des apôtres » (I Co 15, 9). Son passé de persécuteur des chrétiens a forgé son caractère : pharisien ‘irréprochable’ dans l’observance de la loi, il était ‘zélé’ pour la cause de Dieu (Ph 3, 6). Mais dès lors que le Christ lui est apparu et qu’il a reçu le baptême, il revendique le titre d’apôtre. D’un seul coup sa vie a basculé. Il se consacrera désormais à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Son enthousiasme est communicatif et persuasif. Il bouscule les idées reçues et s’attire des ennuis de la part des bien-pensants (Ac 13, 45-48).
Pierre, Paul, deux tempéraments et une même destinée. Leurs chemins se sont croisés à plusieurs reprises. Ainsi à Jérusalem lorsque les responsables se sont réunis pour discuter de l’accueil des non-juifs dans les communautés chrétiennes (Ac 15). Les rôles semblent répartis : Paul se consacre à l’évangélisation des non-juifs, Pierre à celle des juifs (Ga 2, 7). Paul reconnaît pleinement le rôle de Pierre, ainsi que ceux de Jacques et Jean : ils sont les « comme des colonnes » (Ga 2, 9). Pierre et Paul se sont rencontrés encore à Antioche. Cette fois il semble que l’échange ait été vif, car Pierre a eu un comportement ambigu. Paul le lui reproche ouvertement : l’enjeu est celui de « la vérité de l’évangile » (Ga 2, 11-14).
C’est cette vérité de l’évangile qui s’est imposée à tous les deux quand, comme apôtres, ils sont devenus missionnaires. Les épreuves subies n’ont pas entravé pas leur volonté et leur zèle missionnaire.
Pierre ne peut pas ne pas annoncer la parole. Aussi il est plusieurs fois arrêté (Ac 4, 1-22 ; Ac 5, 17-18 ; 12, 1-19). Mais le Seigneur veille : à chaque fois il est libéré ! Viendra le moment où il étendra les mains et où quelqu’un le conduira là où il ne voudrait pas aller (Jn 21, 18).
Paul fait le catalogue des épreuves subies, non pas par gloriole personnelle, mais pour justifier son engagement (II Co 11, 24-33). Avec Paul, l’annonce joyeuse de la Bonne Nouvelle atteint Rome, capitale de l’empire. Paul est en résidence surveillée, la parole, elle, est libre (Ac 28, 16.31).
Père Christian Berton