Proclamer une année favorable (Lc 4,19)
La fin de la lecture faite dans la synagogue de Nazareth paraît anodine et mystérieuse : quelle est donc cette « année favorable de la part du Seigneur » qu’il faudrait proclamer ?
Pour en éclairer le sens, il convient de la recadrer dans son contexte. Du passage de Jésus dans la synagogue de son enfance, l’évangéliste fait un moment solennel où tous les gestes sont mesurés et les paroles précises. Il s’agit de l’office où une homélie suivait la lecture. Luc attire l’attention sur deux points.
- La lecture, empruntée pour l’essentiel à Is 61, 1-2 et Is 58,6 s’arrête sur un aspect positif : celui de la proclamation d’une année favorable. Mais on s’aperçoit que le lecteur ne va pas plus loin dans la citation de Is 61, 2 et omet soigneusement la suite : proclamer « le jour de la vengeance de notre Dieu ! » Il est clair que Jésus, envoyé du Père, n’a pas pour mission d’annoncer la vengeance. Par cette lecture il explique que son ministère rejoint les plus vulnérables, les pauvres, les aveugles, les opprimés, les prisonniers.
- Son homélie semble se résumer à quelques mots marquant l’accomplissement de la parole. Mais en fait Jésus lui donne un complément avec deux exemples pris dans l’action des prophètes auprès de personnes étrangères, ce qui fait scandale. Ils ont pour effet de contrarier les auditeurs qui veulent l’éliminer. Mais il réussit à leur échapper.
À travers cette présentation, Luc renvoie à l’institution de l’année jubilaire. En effet, Is 61 se réfère, sans le dire, à Lv 25, 10. Tous les 50 ans, le peuple d’Israël était invité à vivre une année jubilaire. Son principal effet consistait à libérer ceux qui avaient été obligés de devenir esclaves, souvent par nécessité économique. Elle leur permettait aussi de retrouver leurs biens ou leur terre. Cette année tire son nom du yobel, la corne de bélier qui servait de trompe pour annoncer son commencement. C’est de ce mot hébreu que vient le mot jubilé.
Jésus se réfère donc à cette vieille institution pour énoncer en quoi consistera son action. Grâce à lui Dieu libérera ceux qu’une entrave physique ou morale enchaîne. Son ministère aura donc un impact physique (miracle) ou spirituel (pardon). Le même mot libération revêt les deux sens. De ce fait, il s’agit bien d’un temps favorable où la grâce se manifeste non seulement en paroles (Lc 4, 22), mais en actes.
Etant entrés dans une année jubilaire, celle de la miséricorde, nous pouvons expérimenter l’amour sans limite de Dieu. Le carême en est un moment important. Aux Corinthiens Paul écrit : « Voici le temps favorable, voici le jour du salut » (II Co 6, 2). Ce texte entendu pendant la messe du mercredi des cendres fixe un objectif : éprouver la miséricorde du Seigneur à travers un chemin de réconciliation. Quel programme pour ce carême !
Père Christian