Purifié et sauvé (Lc 17, 11-19)
Le récit de Lc 17, 11-19 rapporte la guérison de dix lépreux. Plusieurs thèmes s’entrecroisent dans ces versets.
- Le thème de l’ingratitude ou de la gratitude. Un seul sur dix rend gloire à Dieu pour sa guérison.
- Le thème de l’étranger samaritain par rapport au Judaïsme : un thème bien présent dans l’évangile de Luc, surtout depuis que Jésus se dirige vers Jérusalem (Lc 9, 51-56 ; 10, 29-37).
- Le thème du salut apporté par Jésus. C’est ce point particulier que je voudrais explorer ici.
La lèpre était une maladie redoutée autrefois. Il ne s’agit pas de la maladie telle qu’elle a été définie scientifiquement par la médecine moderne. A l’époque on qualifiait de lèpre tout tache suspecte dont on craignait une contagion incontrôlée. D’où les mesures de mises à l’écart systématiques, avec le danger de déchéance sociale qui en découlait.
Le livre du Lévitique avait mis en place un protocole précis pour accompagner les ‘lépreux’. Ils devaient aller se montrer aux prêtres. Il revenait à ces derniers de les déclarer impurs ou de constater qu’ils étaient purs (Lv 13, 3.6.7.11…). S’en suivaient des mises à l’écart jusqu’à leur guérison ou des sacrifices pour célébrer leur réhabilitation (cf. Lv 14).
Dans le récit de l’Évangile, Jésus se conforme à la loi en vigueur. Il envoie les lépreux vers les prêtres : charge à eux de dire la parole qui convient. Mais c’est en cours de route que survient la purification de façon inattendue ! Le Samaritain qui revient vers Jésus déborde de reconnaissance. Mais surtout il va entendre une parole décisive de sa part. Il le déclare sauvé. Ainsi il va plus loin que la parole du prêtre du sanctuaire. Cette purification est de l’ordre du salut par la foi. Le Samaritain devient le prototype du croyant, lui qui avait une double peine de lépreux et d’étranger !
Cette réflexion ouvre deux portes.
- La première porte sur la proximité entre guérison et salut, fréquente dans le Nouveau Testament. On le trouve par exemple chez Mc 5, 28.34 ou dans Ac 4, 8-12. La guérison physique est le signe du salut apporté par Jésus. C’est bien là le but ultime de sa mission.
- La deuxième concerne indirectement sur le statut de Jésus. Même si le texte de Lc 17, 11-19 n’insiste pas sur cet aspect, il est intéressant de voir que Jésus prend en quelque sorte le rôle du prêtre chargé de déclarer ou de constater l’état d’une personne. Cette idée sera particulièrement développée par la lettre aux Hébreux où Jésus prend la place, « une fois pour toutes », du prêtre du sanctuaire. Il est le prêtre d’une alliance nouvelle avec l’humanité (He 7, 26-28 ; 9, 15-28) : une humanité renouvelée, capable de rendre un culte au Dieu vivant (He 9, 14), à l’instar du samaritain qui rendait gloire à Dieu (Lc 17, 15).
Père Christian Berton