Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 22)

La prière, une aventure
La paroisse St Maurice des Champs a décidé de se donner comme thème de carême : la prière, une aventure. Le choix de ce thème répond à l’invitation de notre évêque à entreprendre une démarche de conversion missionnaire pendant trois ans. La prière est l’une des attitudes recommandées pendant cette deuxième année.
Pour nous accompagner cette démarche, le père Christian Berton met à notre disposition « l’éclairage » suivant.


 

Au dimanche des Rameaux (année A), la liturgie nous invite à méditer quelques versets du psaume 22 (21). Nous le connaissons bien car les évangélistes l’ont largement utilisé pour exprimer la prière du Christ pendant sa passion. Ils nous aident à entrer dans la prière même de Jésus. Il suffit de relever quelques expressions :

 

  • « Tous ceux qui me voient se moquent de moi. Ils ricanent et hochent la tête » (v. 7, cf. Mt 27, 29.39).
  • « Qu’il le libère, qu’il le délivre, puisqu’il l’aime » (v. 9, cf. Mt 27, 43).
  • « Ils se partagent mes vêtements et tirent au sort mes habits » (v. 19, cf. Mt 27, 35).
  • « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (v. 2, cf. Mt 27, 46).

 

Cette dernière parole est la toute dernière parole de Jésus avant de mourir, du moins dans l’évangile de Matthieu. Il ne faut pas minimiser ce cri de douleur. En plus de la souffrance physique, il dit la détresse de se sentir seul, comme abandonné au moment ultime.

Peut-être nous sentons-nous troublés. Comment le Christ peut-il douter de son Père ?

 

Il convient de remettre cette prière dans son contexte pour entrer pleinement dans la prière de Jésus au moment de sa passion.

 

Tout d’abord, si nous parcourons le psaume dans son entier, nous y voyons, dans les v. 2-12, une alternance de prières, de constat de la détresse et de confiance.

 

  • La prière est une demande de salut, de délivrance et de libération (v. 12. 20-26).
  • Elle a son origine dans le constat d’une détresse absolue due à la malveillance de personnes (v. 17). Elles ne profèrent que mépris et injures (v. 7-8). La personne sent qu’elle n’a plus de forces physiques (v. 15-16).
  • La confiance s’exprime fortement d’une part dans l’expérience du passé : Dieu a libéré les pères qui comptaient (qui étaient en sécurité) sur lui (v. 5-6) de la même manière qu’il a fait mettre en sécurité l’être humain dès sa naissance (v. 10-11).

 

Mais si nous prolongeons la prière de ce psaume, nous voyons que la deuxième partie (v. 23-32) est entièrement consacrée à la louange. Le revirement se fait à partir de la fin du v. 22 : « Tu m’as répondu » (ce verset n’est pas rapporté par toutes les bibles). On voit s’élargir la perspective. La louange est d’abord le fait de l’homme qui a été exaucé (v. 23.26) puis rejoint l’assemblée de tout Israël (v. 24) et enfin toute la terre entière (v. 28). C’est le triomphe de la vie sur la mort (v. 27).

 

Quand le Christ exprime sa souffrance sur la croix, il est imprégné de cette prière qu’il connaît bien. Il sait qu’elle débouche sur l’affirmation de la vie.

Mais déjà, avant l’épreuve ultime, il avait tout donné. Lors de la Cène le Jeudi Saint, les paroles prononcées sur le pain et le vin exprimaient le sens du don de soi qu’il allait vivre sur la croix. Au jardin de Gethsémani, il assume par avance ce qui va advenir : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Tout est déjà dit !

Aussi quand il meurt, il remet l’esprit (Mt 27, 50). Dans la douleur mais en toute confiance, il s’en remet au Père. Ce dernier exaucera sa demande par la résurrection.

 

Seigneur, dans ta souffrance extrême, tu as fait confiance sans ne plus rien maîtriser. Tu t’en es remis totalement à ton Père. Nous aimons bien maîtriser notre emploi du temps et profiter de tous les espaces. Mais en ce temps de confinement rien ne se passe comme nous le souhaitons. Seigneur nous te prions pour les malades qui ont perdu leurs forces physiques. Donne à tous de traverser ce temps dans la confiance que la vie l’emportera sur la mort.

 

Christian Berton

 

 

Crucifixion, Le Tintoret, Scuola Grande di San Rocco (Venise), 1565.