Soyez parfaits (Mt 5, 17-48)
En Mt 5, 17, Jésus déclare qu’il n’est pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir. Suite à cette prise de position, il prend cinq exemples où il affirme son autorité : Vous avez appris qu’il a été dit… Et moi, je vous dis. Et certains de penser qu’il s’opposait catégoriquement à la Loi de Moïse. Il se réfère en effet à la tradition d’Israël, notamment le Décalogue, avec l’interdiction du meurtre et de l’adultère. Mais il puise aussi dans d’autres codes législatifs où on traite du divorce, des serments. Au terme, il recommande d’être parfait comme le Père céleste est parfait (Mt 5, 48).
Une lecture attentive indique que le propos de Jésus ne porte pas sur l’abrogation de l’ancienne Loi. Il veut, au contraire, aller à la racine du mal qui a conduit à cette Loi. Ainsi non seulement l’interdiction de meurtre reste valable, mais il convient d’éviter toute colère ou de traiter quelqu’un de fou ou d’imbécile. Le disciple du Royaume ne saurait se satisfaire d’une observation servile de la Loi sans ôter du cœur ce qui conduit au mal.
Le cinquième exemple porte sur la loi du talion : Œil pour œil, dent pour dent. On la trouve dans l’Ancien Testament, ainsi en Ex 21, 24 ; Lv 24, 20 ; Dt 19, 21. Mais les peuples du Moyen Orient connaissaient aussi cette Loi. On a voulu y voir une légitimation de la vengeance ou de la violence. Mais au contraire, il s’agit, pour l’époque, d’une loi qui répond à une volonté de réguler les relations entre les personnes. Si une personne fait du mal, faut-il la détruire complètement ? Si une personne a cassé un bras, faut-il la tuer pour se venger ? Très tôt les législations ont étudié la question de la juste compensation. Le proverbe, œil pour œil, dent pour dent, indique une limite. La justice ne peut pas s’exercer de façon aveugle, mais selon le principe d’une compensation proportionnée.
Mais même là, Jésus demande qu’on aille plus loin : tendre l’autre joue, laisser le manteau, faire deux mille pas, donner. Il prône une attitude non violente pour désarmer le méchant et prévenir le cycle infernal de vengeance.
Le sixième exemple va dans le même sens (Mt 5, 41-47). Non seulement il faut aimer son prochain mais aussi son ennemi. En fait à aucun moment on ne trouve dans l’Ancien Testament cette injonction en ces termes : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Si la première partie est répertoriée en Lv 19, 18, la deuxième ne s’y est pas. Il pourrait s’agir d’un sentiment bien connu : un ennemi est objet de haine. Mais sur ce point aussi, Jésus oblige à dépasser les usages connus : Moi, je vous dis : aimez vos ennemis ! Sa proposition est sans commune mesure avec ce que les gens pensaient. Le disciple du Royaume doit donc apprendre à dépasser les limites qu’imposaient le bon sens ou la pratique commune.
On comprend le sens de la perfection. L’adjectif ‘parfait’ est rare dans les évangiles. On le trouve encore en Mt 19, 21, lorsque Jésus invite un homme à le suivre en vendant tout ce qu’il possède. La perfection suppose donc un dépassement des comportements habituels. Sa mention sert de conclusion au commentaire de la Loi que Jésus fait depuis 5, 17. L’accomplissement conduit à la perfection. Le disciple peut suivre son maître. Il en a montré le chemin.
Père Christian