Vivre des passages (Homélie de la Vigile Pascale du 4 avril 2021)
Vivre un passage n’est pas chose aisée, surtout quand on est dans la nuit. Nous ne savons pas ce qui nous attend. Il faut passer de la nuit au jour pour découvrir ce que nous avons à vivre.
C’était vrai pour le peuple de Dieu en Egypte. Le récit épique du livre de l’Exode nous dit qu’ il fait encore nuit quand il entre dans la mer que Dieu a mise à sec. C’est au point du jour que la mer reprend sa place, alors que le peuple a terminé sa traversée. C’est au point du jour qu’il comprend que Dieu l’a sauvé. C’est au point du jour qu’il met sa foi en lui. Le passage si risqué a débouché sur la foi.
C’était vrai pour Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques et Salomé. Elles sont venues au tombeau de grand matin. En honorant le corps de Jésus, elles veulent faire leur deuil. Mais ce petit matin ne ressemble à aucun autre. C’est au point du jour qu’elles accueillent le message inoui : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. » C’est au point du jour qu’elles reçoivent une première mission : “Allez dire à ses disciples et à Pierre : « Il vous précède en Galilée »”. Le passage à vivre les transforme en disciples missionnaires.
Cela a été vrai aussi pour Jésus lui-même. Au moment où il meurt, il a le sentiment que « tout est accompli ». Et il effectue, lui aussi, le passage, faisant totalement confiance à son Père.
Nous n’aimons pas les passages remplis d’incertitudes. Nous le savons bien quand nous nous laissons envahir par le doute. Pouvons-nous penser que nous allons faire du sur-place ou que nous allons rester enfermés sur notre passé ? La lecture du livre de la Genèse nous apprend que nous portons en nous quelque chose qui ne nous appartient pas vraiment : l’image de Dieu ! Nous sommes créés à son image. Oh ! Une image qui n’est pas parfaite, tant s’en faut, mais quelle responsabilité ! Il faut passer de la nuit au jour pour la réfléter.
Oui, parce que baptisés, nous avons déjà vécu ce passage, il nous est demandé, chaque année, d’en reprendre conscience. Dieu ne veut pas que nous faisions du sur-place. Il nous projette dans l’avenir « pour que nous menions une vie nouvelle », écrit Saint Paul. La joie de Pâques réside précisément là : Dieu nous prend tels que nous sommes et nous conduit sur les chemins de la vie. Après tout Marie-Madeleine et l’apôtre Pierre n’ont pas toujours brillé dans la vie. Mais Dieu a ouvert, avec eux, un avenir plein de promesses, où ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes.
Si nous sommes venus si tôt ce matin, ce n’est pas pour nous attacher sur le passé, mais bel et bien pour entendre, à notre tour, le message : « il vous attend en Galilée ». C’est bien là que Jésus a commencé son ministère pour que la vie l’emporte sur toute forme de mort. Et c’est bien là, à la croisée des chemins des hommes et des femmes de notre temps, qu’il nous attend pour que nous soyons témoins de la joie de la résurrection.
Christian Berton
