Vous êtes devenus un modèle (Ex 22, 20-26 ; I Th 1, 5-10 ; Mt 22, 33-40)

En lisant et relisant les textes de ce jour, je me suis laissé toucher par une expression de la lettre aux Thessaloniciens : « Vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants. » Bien sûr j’ai rapproché cette expression avec le rappel du commandement de l’amour : « aimer Dieu et aimer son prochain ». Sommes-nous modèles d’amour ? Je ne saurais répondre à cette question par oui ou par non. Mais j’observe quelques faits. Cette semaine nous avons accueilli la famille syrienne que nous attendions. Aujourd’hui la paroisse s’est mobilisée pour le repas solidaire. Oui, nous essayons de vivre quelque chose qui dit notre foi, notre espérance et notre charité, pour reprendre l’enthousiasme de Paul. Et nous voulons dire merci pour cette énergie. Et voilà que le Pape nous demande un autre geste : accueillir bientôt dans nos assemblées des défavorisés de la vie pour célébrer avec eux.

 

Je voudrais explorer comment nous pouvons être modèles aujourd’hui. Je vois plusieurs étapes.

Tout commence par l’accueil de la parole. Il ne s’agit pas de n’importe quelle parole, mais de la Bonne Nouvelle. Elle nous rejoint dans toutes les fibres de notre vie pour ouvrir un horizon nouveau dans la construction du monde qui est le nôtre.

La parole invite à la conversion. Le mot conversion fait peur. Pourtant il s’agit d’un mouvement qui nous porte continuellement. Nous nous convertissons quand nous acceptons de ne pas être le centre de tout et que nous nous tournons vers l’autre. Et cet autre peut être le Seigneur, le tout Autre. En quittant nos maisons ce matin et en arrivant dans cette église pour vivre ce temps de prière, nous nous sommes déjà tournés vers Lui, nous nous sommes convertis, en quelque sorte.

La conversion s’accompagne d’un autre mouvement : se détourner de nos idoles. C’est ce que Paul écrit aux gens de Thessalonique. Paul savait que l’environnement grec favorisait le culte d’un panthéon aussi peuplé que divers. Il appuie donc là où ça fait mal ! Mais nos idoles ont bien changé d’aspect aujourd’hui. Quels sont donc ces nouveaux dieux qui nous enchaînent, dont nous n’arrivons pas à nous passer ? Sur quoi vais-je faire effort concrètement ?

Alors le cœur est libre pour servir Dieu. Le service dont il s’agit ne concerne pas seulement le culte que nous lui rendons dans la prière ou la célébration. Il concerne la disposition de tout notre être pour que transparaisse, au cœur du monde, son action d’amour.

Enfin arrive l’espérance dans l’attente de la présence de Jésus. Nous voilà invités à penser que la vie l’emportera sur toute forme de mort. Notre combat quotidien se traduit en promotion d’une vie meilleure, prélude à la vie en plénitude que Dieu veut pour nous. De quelle espérance de vie sommes-nous porteurs aujourd’hui ?

 

Ces cinq éléments constatés par Paul chez les croyants de Thessalonique lui permettent de dire qu’ils sont devenus des modèles de foi. Quelque chose a changé dans leur comportement. Le modèle à reproduire se traduit en paroles et en actes. L’évangile met l’accent sur l’amour. Au fil des ans, le peuple juif s’était donné 613 commandements à suivre pour être fidèle à la Loi de Dieu : 345 commandements négatifs (tu ne… pas…) et 248 prescriptions positives (tu feras ceci, tu feras cela). Jésus les résume en deux : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Il n’y a pas de témoignage possible, il n’y a pas de modèle sans la conjonction de ces deux prescriptions.

La première lecture nous donne un exemple. Elle nous donne quelques directives tirées du code de l’alliance qui définissait les relations entre les personnes. Ne pas exploiter l’émigré, ne pas pratiquer l’usure quand on prête de l’argent, avant le coucher du soleil rendre le manteau que quelqu’un aurait laissé en gage, parce que c’est sa couverture pour la nuit… Les motifs invoqués obligent à ne pas se sentir supérieurs. ‘Vous étiez vous-mêmes des immigrés’, autrement dit, votre histoire personnelle ou collective ne vous donne pas de droit supérieur aux autres ! Le droit israélite des origines va décidément très loin. L’autre motif est à chercher en Dieu lui-même : ‘car moi, je suis compatissant’. La miséricorde de Dieu se dit à travers les gestes de charité que nous pouvons produire. En cela restons des modèles dans ce monde.

Père Christian Berton