Zachée, le bon publicain (Lc 19, 1-10)

Jésus a l’art de prendre les gens à contrepied. L’évangéliste Luc semble lui avoir emboîté le pas quand il s’agit de montrer que la Bonne Nouvelle s’adresse à tous. Ainsi les Samaritains n’étaient pas spécialement bien vus des Juifs, mais voilà que Jésus en donne un en exemple d’amour miséricordieux qui transcende les différences (Lc 10, 25-37). On a pris l’habitude de parler du ‘bon Samaritain’.

De la même manière, je propose de parler de Zachée, comme d’un bon publicain. L’épisode de Lc 19, 1-10 semble pris sur le vif. Tout est en place pour qu’éclate le scandale vite dénoncé par les témoins de la scène : « Il est allé loger chez un pécheur ! » Pire : Jésus a tout fait pour s’inviter chez lui. Zachée s’était tenu à distance, mais Jésus prend l’initiative et provoque, en retour, une joie immense chez son hôte.

Zachée est bien connu, trop connu peut-être. Il collecte les impôts !… Cela ne facilite pas les relations, d’autant plus que dans l’opinion une équation s’est imposée : publicain = voleur = pécheur = infréquentable. Mais Jésus s’obstine précisément à vouloir le fréquenter, comme une nécessité : « il me faut demeurer dans ta maison. »

Et là vient la surprise. Zachée est-il vraiment le voleur patenté que laissent croire les gens ? Rien ne le dit dans le texte évangélique. Bien au contraire. Dans le dialogue qui s’établit entre Jésus et lui, il dit avec enthousiasme ce qu’il fait.

  • Il donne la moitié de ses biens. On a parfois tendance à traduire par un futur : « je donnerai. » Mais il s’agit bien du temps présent, avec la valeur de la durée en grec. Il est habitué à donner.
  • S’il fait du tort en extorquant quelqu’un, il restitue, pas seulement ce qui aurait été pris, mais quatre fois plus. A nouveau c’est le temps présent. C’est bien ce qu’il a déjà fait et continue de faire.

Décidément il y a du bon dans cet homme si mal connu. Il porte d’ailleurs bien son nom d’origine hébraïque qui signifie le ‘pur’ ou le ‘juste’.

Jésus ne peut que faire le constat : « le salut est arrivé dans cette maison, car lui aussi est fils d’Abraham. » A nouveau résonne la petite musique qui sert de fil rouge au 3ème Évangile et aux Actes des Apôtres : le statut social ou l’origine ne sauraient exclure quiconque du salut offert. Le regard des hommes doit encore changer pour être à la mesure du regard de Dieu.

 

Père Christian Berton

 

Peinture murale de l’église St Méard (Dordogne) – XVIème siècle.